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Critique de Arimbo


Un titre étrange donné à un roman hors-norme, époustouflant, (conseillé par Chrystèle, Hordedu Contrevent, une référence chez Babelio! )

Ce roman se passe au Portugal dans les périodes de la dictature de Salazar puis de la révolution de 1974 et de ses suites.
Il m'a fait penser à une fresque ou à une galerie de tableaux, peints plutôt à la manière de Goya, tableaux qui sont des variations sur la vie d'un ministre de Salazar, un homme de pouvoir brutal et inhumain, sur sa déchéance politique puis physique, et sur celles de personnes qui l'ont côtoyé, famille, subalternes, la plupart ses victimes; mais aussi apparaissent dans cette galerie, souvent sordide, celles et ceux qui sont liés de plus loin à l'histoire de cet homme.

Et tout cela est raconté par chacun ces personnages dans des chapitres successifs intitulés successivement récit et commentaire.
Et c'est à chaque fois une longue litanie proférée par un personnage différent, un monologue lancinant par ses répétitions, dont le sens se dévoile peu à peu, ainsi que le lien avec d'autres chapitres.
Et la chronologie est chamboulée au profit d'un temps psychologique qui tire les fils du roman, et tient en permanence l'attention du lecteur.

Cette façon de raconter est unique, sans équivalent dans toutes les oeuvres littéraires que j'ai lu (mais il est vrai que je ne connais pas toute la littérature mondiale d'hier et d'aujourd'hui!).
Au début, j'avoue avoir été décontenancé par ce mode de narration, mais très vite, cette façon fiévreuse, quasi hypnotique, façon derviche tourneur, vous emporte dans son tourbillon.

Et puis, j'ai été saisi par le pessimisme de ce roman.

Se mêlent brutalité, désarroi, désillusion, méchanceté, cupidité, déchéance physique, sans qu'aucune lumière de bienveillance, d'espoir, n'apparaisse.
Ainsi ce ministre est à la fois violent et grossier avec celles et ceux qui lui résistent, méprisant à l'égard son fils puis sa belle-fille, ignoble avec ses servantes qu'il agresse sexuellement et de façon bestiale, perdu dans son délire de vouloir faire revivre la femme qui l'a quitté avec une femme de substitution. Mais aussi, on le verra perdre tout, suite à la révolution, entraînant dans sa chute toutes celles et ceux qui sont de près ou de loin à son service.Et on assistera au spectacle pitoyable de sa déchéance physique et mentale.
Et c'est aussi dur pour celles qui l'entourent, victimes parfois consentantes, je pense par exemple à sa servante Titina, vivant dans un hospice espérant toujours que son maître ou le fils de son maître viendront la chercher, ou encore à la jeune Mila qui accepte d'être affublée des vêtements moisis d'Isabelle, la première femme du ministre.
Et enfin, à côté des nombreuses victimes il y a les quelques gagnants, tels la belle-fille Sofia, l'oncle de Sofia, des bourgeois cupides et racistes, méprisant les «pauvres », sans aucune bonté.

Mais de cette boue humaine, l'auteur tire un prodigieux objet littéraire, fascinant, et qui s'imprime en vous.
Après tout, Baudelaire n'a-t-il pas écrit: « Tu m'a donné ta boue et j'en ai fait de l'or ».
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