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Critique de Tlivrestarts


Lila Beaulieu est décédée dans son appartement du 9ème arrondissement de Paris en 2014. La date précise de sa mort ne pourra être déclarée que par le médecin légiste qui réalisera l'autopsie, le corps ayant été retrouvé en décomposition. Cette femme vivait-elle seule ? Avait-elle de la famille ? Des amis ? Etait-elle connue dans le quartier ? Vous trouverez les réponses à vos questions en lisant ce thriller psychologique extrêmement réussi, je dois bien le dire.

Catherine LOCANDRO, dont je ne connaissais absolument pas la plume, harponne le.a lecteur.rice dès les premières pages pour ne plus le.a lâcher, un peu à la manière de Delphine BERTHOLON d 'ailleurs. Je me suis ainsi laissée porter par le compte à rebours lancé par l'écrivaine à partir de la mort de Liliane Garcia, Lila Beaulieu étant son nom de scène, pour lentement dérouler le fil de la vie de cette femme jusqu'à sa plus tendre enfance. Liliane Garcia était actrice, elle avait tourné dans "La chambre obscure", elle n'avait alors que 18 ans. Depuis, seuls quelques rôles de figurant lui avaient été proposés. Après avoir joué la starlette au festival de Cannes, son avenir cinématographique se révéla rapidement compromis.

Avec ce roman, Catherine LOCANDRO focalise sur un mal qui ronge notre société contemporaine, celui de l'isolement. Comment une femme de 65 ans pourrait-elle mourir seule et que personne ne s'étonne de sa disparition avant quelques semaines ? Cette situation paraît surréaliste et pourtant... il suffit de lire les journaux ou d'écouter la radio pour se rendre compte malheureusement de la banalité de ce type de fait divers. A chaque événement, le grand public s'interroge, s'indigne devant la vulnérabilité de l'être humain et son incapacité à s'ancrer dans la vie :

"Comme si elle avait traversé cette vie sans laisser de traces dans aucune mémoire." P. 43

En réalité, les choses sont beaucoup plus compliquées qu'elles n'en n'ont l'air. Il est si difficile de connaître les gens... et c'est souvent devant la mort que les langues se délient, les frustrations s'expriment, les regrets aussi, et que les secrets se dévoilent.

Ce roman choral nous propose un regard croisé sur cette femme. 13 personnes vont tour à tour prendre la parole pour faire part de leurs moments partagés avec Liliane Garcia pour les uns, Lila Beaulieu pour les autres. Catherine LOCANDRO construit un puzzle d'une grande densité avec des destins qui s'entremêlent, des parcours de vie chahutés qui laissent des traces chez des êtres à jamais écorchés.

J'ai été profondément touchée par le personnage d'Eva, cette jeune femme née d'un père immigré espagnol. Très jeune confrontée au problème de l'alcoolisme, elle savait repérer les symptômes de la maladie dans son environnement. Elle avait ainsi décelé chez Liliane Garcia quelques signes qui ne l'avaient pas trompée :

"Elle appartenait à ce groupe d'habitués un peu trop fidèles, qui portaient leur misère sur leurs traits épaissis par le vin et la bière bon marché, et dont les doigts s'agrippaient aux verres." P. 44

Ce personnage est très lumineux aussi, c'est un très beau portrait de femme qui a su assumer ses choix et aller au bout de ses projets.

Dans un tout autre registre, j'ai été émue à la lecture du chapitre dédié à Lucie, la petite-fille de Liliane Garcia. Son initiative pour retrouver sa grand-mère et sa complicité m'ont particulièrement troublée. Avec ce personnage, Catherine LOCANDRO aborde le besoin irrépressible de connaître ses origines, la nécessité pour chacun de savoir d'où il vient pour savoir où il va. Avec Lucie, c'est aussi le domaine artistique de la photographie que j'ai approché et là, j'avoue avoir été séduite par la dimension professionnelle du regard et cette manière singulière de voir les autres à travers un objectif :

"Cette façon qu'elle avait de saisir la solitude, sur les visages de ces inconnus croisés dans les Lavomatique. [...] Lucie avait porté sur sa grand-mère le même regard, dénué de préjugés, qu'elle adressait aux personnes qu'elle photographiait." P. 110

Ce roman parle aussi du deuil, des souvenirs qui s'étiolent et de l'incapacité de l'être humain à préserver intacte la qualité des images dans le temps.

"La mémoire était si décevante, si petite." P. 82

Le titre du roman résume très bien, à lui seul, le combat que chacun peut avoir à mener contre l'oubli de ses proches disparus.

Je vais me rappeler longtemps de cette Lila aussi, sans le y certes mais ô combien fascinante. La plume de Catherine LOCANDRO est remarquable. Elle risque bien de me hanter comme celle de Delphine BERTHOLON ! Je crains qu'elle ne soit, elle aussi, un brin addictive !
Lien : http://tlivrestarts.over-blo..
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