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Critique de Erik35


DE L'AMOUR.

Qu'est-ce que l'Amour ? Comment se déploie-t-il ? Quel doit être le fonctionnement au sein d'un couple, les rapports de pouvoir, les sentiments pour que celui-ci puisse vivre, s'épanouir, perdurer ? Doit-il n'être qu'une agréable et saine collaboration codifiée par avance, un peu à la manière d'une entreprise fondée par deux compères ? Ne peut-il s'obtenir que lorsque les deux protagonistes du couple s'aiment vraiment, pleinement, faisant ainsi passer l'empire de la passion devant celui de la seule raison ? Quelle place laisser, attribuer au futur enfant, quel est le sens même de la filiation ? Autant de questions, éternelles, auxquelles deux auteurs - l'un déjà en pleine ascension, l'autre moins connu mais activiste réputée parmi ses camarades - vont tenter de répondre, avec leur coeur tout autant qu'avec leur esprit, tout au long des trente-neufs lettres que les deux écrivains s'échangèrent, selon un plan vaguement établi à l'avance, sous ce qui s'appellerait bientôt The Kempton-Wace letters, du nom des deux protagonistes, une mère et son fils adoptif, et que l'édition française à traduit par L'amour et rien d'autre.

Unique ouvrage écrit en collaboration de toute l'oeuvre de Jack-London, L'amour et rien d'autre co-écrit avec la romancière, féministe et sociologue socialiste, américaine d'origine russe, Anna Strunsky , il fallut deux années entières aux deux auteurs pour composer, patiemment et à coup de véritables lettres qu'ils s'écrivaient et s'envoyaient, se donnant ainsi le plaisir de la découverte, parfois de la surprise des réponses du partenaire, et même, peu à peu, préfigurant les débuts d'une véritable histoire d'amour à laquelle Anna Strunsky mit définitivement fin tandis que Jack London était à Londres pour son enquête qui aboutirait bientôt à son éprouvant "Le peuple d'en bas" consacré aux quartiers déshérités de la capitale britannique. Il lui proposa le mariage (n'oublions pas que London était déjà marié avec Bess Maddern), un mariage d'amour, cette fois, tandis que pour le premier, il avait avoué à sa femme qu'il ne l'aimait pas, mais qu'elle lui plaisait assez pour faire un mariage réussi. En quelque sorte, c'est exactement ce genre de mariage-là que Jack London alias Herbert Wace avait/veut conclure, tandis que la réalité de la vie le fit de plus en plus pencher la balance vers une relation telle qu'Anna Strunsky alias Dane Kempton défend avec coeur et intelligence. Mais on peut dire sans trop exagérer que son second mariage avec Charmian Kittredge fut un mélange parfait de celui du coeur et de la raison, Charmian étant tout à la fois l'âme soeur aimée ainsi qu'une véritable partenaire de vie, de travail et de réflexion.

Plus que de longs discours, voici, retrouvé dans la correspondance de London, ce qu'il en fut de la genèse de cette oeuvre tout à la fois étonnante, captivante et d'une grande modernité, malgré les théories abracadabrantes de Wace - et surtout inopérantes - qui, pour peut que l'on apprécie le genre épistolaire, se lit avec grande facilité et un vrai bonheur :

«Je ne ma suis pas expliqué au sujet de mon volume de lettres ? Eh bien, en voici la genèse. Une jeune juive russe de Frisco et moi nous nous étions souvent disputés au sujet de nos conceptions de l'amour. Elle s'est révélée géniale. Elle est à la fois matérialiste par conviction philosophique et idéaliste par préférence innée, et elle est constamment en train d'entortiller tous les faits de l'univers de façon à pouvoir se réconcilier avec elle-même. Ainsi, nous avons finalement décidé que la seule manière de discuter la question était de le faire par lettres. Puis nous nous sommes demandés si un recueil de telles lettres ne mériterait pas d'être publié. Alors nous avons assumé chacun un personnage et nous sommes dans une véritable situation d'amour objectif. Bien sûr, nous ne savons pas encore ce qui en résultera.

Voilà pour la genèse de l'oeuvre. Voici ce qu'il avoua à une amie en 1907, tandis qu'il s'était depuis marié avec Charmian, après qu'Anna lui eut refusé sa main :

«Naturellement, mon Amour, tout à fait inhabituel, a été très intense tandis qu'il me possédait ; naturellement, quand je suis amoureux, j'écris des lettres d'amour dans lesquelles je me mets tout entier. Naturellement, la généralisation biologique, dans les lettres, proposées comme règles de conduite, a faussement accrédité ma croyance dans la valeur de l'amour. J'ai dit souvent que j'aurais pu concentrer tous mes arguments dans mes lettres en faisant franchir deux pas de plus à la discussion biologique. "Une heure d'amour ayant la valeur d'un siècle de science." résume la conclusion... d'une... conduite résultant de ces deux pas en avant sans préciser en quoi consistent ces deux pas.»

Sacré Jack London, qui veut bien tomber amoureux... mais avec toutes les mauvaises justifications du monde !
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