Citations sur Zami : Une nouvelle façon d'écrire mon nom (12)
Avec Muriel, nous parlions de l'amour comme d'un engagement volontaire tout en nous débattant dans les pas d'une danse ancienne, apprise sans en avoir conscience, mais répétée avec ferveur. Nous avions bien retenu les leçons apprises dans les cuisines de nos mères, deux femmes fortes qui n'abandonnaient rien sans rien. Dans ces tièdes espaces de survie, l'amour, même librement consenti, portait un autre nom : contrôle.
Et tu n'es pas revenue en avril,
malgré le charme puissant du printemps,
tu as attendu ton heure en silence
sachant que les morts doivent se montrer patients.
Et à l'été non plus, tu n'es pas revenue
ni quand les chênes verts ont laissé
des traces de sang en automne
- les heures sont longues pour les regrets.
Nous n'avons pas pleuré sur la chose qui fut,
un jour, une enfant
pas pleuré sur la chose qui avait été une enfant
pas pleuré sur la chose qui avait été
ni sur les silences sombres et profonds
qui se sont repus d'une chair si jeune.
Mais nous avons pleuré à la vue de deux
hommes seuls
se découpant contre le ciel, tout seuls,
jetant à grands coups de pelle le manteau de terre
qui maintiendra en place ce sang si jeune.
Car nous nous sommes vus, nous aussi
sous la couverture-mère sombre et tiède,
nous nous sommes vus couchés profondément
dans le sein enflé de la terre - la jeunesse s'est
enfuie -
et pour la première fois nous nous sommes vus morts et seuls.
Nous n'avons pas pleuré sur la chose - sur la
chose -
nous n'avons pas pleuré sur la chose qui fut
un jour, une enfant.
[22 mai 1949]
Dans le rétroviseur, j'ai vu la substance de ses cauchemars la rattraper au coin de la rue - blanche et mâle, avec bottes et blouson de cuir.
A la femme blanche de mon rêve qui se tient derrière moi dans un aéroport, et me fixe sans rien dire pendant que son enfant me cogne délibérément, encore et encore. Quand je me retourne pour dire à la femme que je vais lui mettre un coup de poing dans le nez si elle ne retient pas son gamin, je m'aperçois qu'elle a déjà reçu un coup de poing dans le nez. Son enfant et elle ont été battus, visages contusionnés, yeux cerclés de noirs. Je me détourne et m'éloigne d'eux, furieuse et triste.
J'adorais De Lois parce qu'elle était forte, et noire, et bizarre, et qu'elle semblait rigoler de tout. Et je la craignais pour précisément les mêmes raisons.
[nouvelle préface]
La nouvelle génération trouve naturelle la façon qu'a Audre Lorde de faire des liens entre les différentes formes d'oppressions. Elle se présentait comme "Noire, lesbienne, féministe, guerrière, poète et mère" et son courage a convaincu. Depuis, cette approche a été théorisée à l'université sous le nom d'intersectionnalité. Son discours et son inspiration déborde le monde académique aujourd'hui et séduit les mouvements sociaux. (7)
Personne ne disait que le tétrachlorure détruit le froid et provoque des cancers du rein. Personne ne disait que les machines à rayons X, quand on les faisait fonctionner sans protection, dégageaient des doses de radioactivité constantes bien supérieures à ce qui était considéré comme tolérable, même à l'époque. Keystone Electronics embauchait les Noires et ne les virait pas au bout de trois semaines. On pouvait même se syndiquer.
Pour nous, en 1948, la paix était une question concrète, bien réelle. Des milliers d'américains étaient morts pour ramener la sécurité et la démocratie dans le monde, même si ma famille et moi ne pouvions toujours pas nous faire servir de glaces, à Washington, D.C.
A la maison, ma mère disait : "Serrez-vous les coudes devant les étrangers." Elle parlait des blancs, comme cette femme qui avait voulu me forcer à lui céder ma place dans le bus de la ligne 4 et qui sentait le produit désinfectant. A Sainte-Catherine, les sœurs disaient : "Serrez-vous les coudes devant les étrangers" en parlant des non-catholiques. Au lycée, les filles disaient "Serrez-vous les coudes devant les étrangers" en parlant des garçons. Mes amies disaient : "Serrez-vous les coudes devant les étrangers" en parlant de tous ceux qui étaient vieux jeu.
Mais au lycée, je ne serrais les coudes qu'avec des étrangères ; mes professeurs étaient racistes ; et mes amies étaient de la fameuse couleur à laquelle je n'étais jamais censée faire confiance.