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Critique de Eve-Yeshe


Marceline Loridan-Ivens raconte sous la forme d'une longue lettre à son père, son arrestation à l'âge de quinze ans lors d'une rafle dans le château familial alors qu'ils tentaient de fuir. Puis le long périple de Drancy vers les camps Auschwitz Birkenau, les mauvais traitements, les fours crématoires, puis la longue marche forcée vers Bergen-Belsen alors que les nazis sont en train de perdre la guerre puis le rapatriement et le difficile retour à la « vie normale ».

Elle se raccroche à l'espoir que son père est vivant. Il lui avait dit, à Drancy, qu'elle s'en sortirait car elle était jeune mais que lui ne reviendrait sûrement pas.

Ils étaient internés à trois km l'un de l'autre, lui à Auschwitz, et elle, à Birkenau et un jour il lui a fait passer un billet dont elle a oublié le contenu à son grand désespoir.

Marceline nous décrit l'horreur des camps, les liens qui se tissent avec ses copines, parmi lesquelles Françoise, Simone Jacob ; elles garderont des liens durant toutes leurs vies.

Elle aborde avec beaucoup de finesse, de pudeur, ce qu'on appellera plus tard, la culpabilité de survivant, comment accepter d'être revenu quand tant d'autres sont morts. Comment se construire une nouvelle vie, envisager de se marier et d'avoir des enfants, surtout quand on est obligé de se taire : personne n'a envie d'entendre ce qui leur est arrivé, ceux qui ont tenté de raconter ont été traités de fous…

Ses liens avec sa famille ne seront plus jamais les mêmes : son petit frère aurait préféré que ce soir leur père qui revienne, sa mère lui demande si elle a été violée par exemple car cela rendrait un mariage trop compliqué.

La question qui se pose au fil des ans est : « est-ce qu'on a bien fait de revenir ? N'aurait-il pas été préférable qu'on reste là-bas, qu'on meurt dans les camps ? et le passage de l'an 2000 montre bien que tout pourrait recommencer, avec la catastrophe du 11 septembre où le monde entier a assisté en direct à l'effondrement des tours du World Trade Center, où l'espoir de la Création de l'état d'Israël dont le père de Marceline avait tant rêvé ne soulèvera qu'une guerre permanente.

Une scène terrible : Mala, qui avait tenté de s'échapper du camp, a été rattrapée, et transportée sur une charrette, les mains ficelées dans le dos, vers la potence et jusqu'au bout, elle a injurié le commandant SS et ses sbires :

Elle s'est mise à parler en français, « Assassins, vous aurez à payer bientôt » et à nous toutes :N'ayez pas peur, l'issue est proche ; je sais que j'ai été libre, ne renoncez jamais, n'oubliez jamais ».

J'ai beaucoup aimé la manière dont Marceline Loridan-Ivens évoque la tragédie qu'elle a vécu, dans ce petit livre très court mais très dense. Elle ne se plaint jamais, ne se pose jamais en victime arrive même à faire sourire quand elle évoque Simone Veil qui « dérobe » les petites cuillères au restaurant, pour ne plus jamais avoir à laper la soupe.

A l'époque actuelle, il est important de lire ces témoignages, car le négationnisme à le vent en poupe et lorsqu'il ne restera plus de survivants, on imagine ce que les complotistes vont raconter. J'ai lu beaucoup de livres de documents sur la Shoah, vu des documentaires, des films, (il va falloir que j'essaie de trouver ceux de Marceline et Joris Ivens), entendu des témoignages, mais peu lu de témoignages écrits, du moins pas depuis de longues années et il est temps de s'y mettre de manière plus assidue.

Je ne sais pas si j'aurais le courage aujourd'hui de regarder la série « Holocauste » ou relire Primo Levi, mais j'ai en projet « L'enfant des camps » et « En classe avec Anne Franck » entre autres…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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