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Critique de Celinemlire


"Toujours le camp vous rattrape". (p.139)
"On n'en sort donc jamais. On y revient toujours". (p.243)

C'est sur ces "préceptes" qu'est construit le récit des mémoires de madame Marceline LORIDAN IVENS qui, à l'aube de son 78ème anniversaire, se lance dans une rétrospective de sa vie (ou de ses vies devrais-je dire).
Chaque objet (1 valise, 1 tableau), chaque évènement (1 exposition), chaque lieu (le quartier du sentier à Paris, le hammam)... ramènent Marceline au camp, comme 2 vies parallèles (la vie du camp, et la vie en-dehors du camp).

Je viens d'achever la lecture de ses bouleversantes mémoires, que j'ai lues avec parcimonie, petits bouts par petits bouts, tant la lecture en est éprouvante.
Je connais le terrible épisode historique de la Shoah, mais narré par Marceline, il prend une dimension toute autre.
Agée de 15 ans, Marceline est arrachée à sa famille (en même temps que son père) pour être déportée jusqu'à Auschwitz Birkenau.
Comment est-elle parvenue à trouver suffisamment de force et de courage afin de parvenir à survivre de longs mois aux horreurs quotidiennes de la vie au sein des camps : la soif, la faim, la maladie, la mort au quotidien, les violences, les humiliations et les brimades incessantes des allemands..
Elle le raconte par bribes, au gré des rencontres et des amitiés nouées au sein des camps. Marceline distille quelques informations au fil du récit : des choses très personnelles bien sûr, mais surtout très factuelles et jamais racontées sur le ton de la plainte.
Avec l'avancée des troupes russes, et la défaite annoncée des allemands, elle sera de nouveau déportée vers l'est, de plus en plus loin de la France.
Sa déportation s'achèvera en Tchécoslovaquie, dont elle parviendra à s'échapper. Elle regagnera la France après avoir traversé une Europe en ruines, totalement dévastée par la guerre, pour retrouver une mère peu soucieuse du traumatisme qu'elle a vécu, et uniquement désireuse de savoir si oui ou non sa fille a été violée (auquel cas toute possibilité de mariage serait anéantie).
Marceline ne peut rien raconter de ce qu'elle a vécue, ne peut pas témoigner de ce qu'elle a vu puisque personne ne croit ce que les revenants/survivants des camps peuvent avoir à dire.
Marceline va devenir, selon ses propres mots, "une sauvageonne" (on le serait à moins..) : elle fréquente les nuits parisiennes, adhère au parti communiste, soutient la dépénalisation de l'avortement, devient porteuse de valises pour le FLN....
Toujours avide de culture, de lecture, de rencontres, de découvertes, Marceline va faire des rencontres qui vont peu à peu lui permettre de trouver une voie, jusqu'à sa rencontre avec Joris IVENS avec qui elle réalisera de nombreux films ( sur la guerre du Vietnam et la révolution culturelle chinoise entre autres..)
Elle consacrera une grande partie de sa vie à dénoncer la tyrannie des hommes et l'oppression des plus faibles, toujours hantée par sa propre histoire.
De son propre aveu, il lui faudra de longues années pour comprendre qu'il est indispensable de continuer à transmettre "la culture juive" sans quoi "Hitler a gagné"; ce qu'elle fait admirablement avec ce livre dans lequel elle évoque la "Mitteleuropa" (la culture juive d'Europe centrale, la culture juive de ses origines polonaises).
Un livre édifiant.
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