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Critique de enjie77


« On eût aisément pris le numéro 10 de la Seilerstätte pour le palais de ville d'un aristocrate. le blason de pierre qui surmontait l'entrée ne faisait que renforcer cette impression. IL n'était pas constitué d'une couronne, d'un drapeau ou d'un gantelet à l'instar des demeures princières ou comtales du voisinage mais d'un de ces angelots nus qu'on nommait à Vienne les putti joufflus. »


« Mélodie de Vienne » fut un véritable plaisir de lecture. L'écriture est très agréable, fluide, et ne tombe jamais dans la facilité des sagas du style série télé de l'été. Je cherchais un livre sans prise de tête et c'est sur les conseils d'un jeune libraire que je me suis mise à cette lecture, toujours dans l'idée de continuer ma découverte de ces auteurs de la Mitteleuropa qui me procure toujours autant de satisfaction.

D'origine juive, Ernst Lothar a dû fuir son pays, l'Autriche, au moment de l'Anschluss pour se réfugier aux Etats-Unis. IL y est revenu ensuite, après la seconde guerre mondiale, comme conseiller auprès du gouvernement américain afin de participer à la dénazification culturelle de l'Autriche. Cette période donnera naissance à son second roman « Retour à Vienne ».

La construction de ce roman s'élabore avec rigueur autour de l'Histoire de la monarchie Autriche-Hongrie et de sa disparition jusqu'à l'arrivée des nazis. La grande histoire s'impose comme pilier central de la narration. L'auteur, par le biais de l'histoire d'une grande demeure bourgeoise et de ses habitants, la famille Alt, entrecroise le destin de la dynastie autrichienne avec cette saga familiale sur une grande partie du récit, puis succinctement 14/18 et ensuite l'inéluctable descente vers le précipice qu'est l'Anschluss. L'auteur sait maintenir son lecteur en haleine ! On s'immerge dans le mythe de cette Vienne habsbourgeoise avec plaisir d'autant plus si l'on est passionné par l'Histoire !

L'origine de cette belle demeure se confond avec la création, par son fondateur, d'une entreprise de fabrication de pianos. Illustre entreprise qui au fil des décennies, de père en fils, aura reçu les félicitations des plus grands musiciens tel l'immortel Mozart. Tout au long de ce récit, nous faisons connaissance avec les membres de cette famille dont chaque branche réside à chacun des étages de cette demeure. Ernst Lothar entrecroise avec virtuosité la comédie humaine de chacun des personnages avec la grande Histoire.

« Henriette Stein, cantatrice d'origine juive, grande héroïne de ce roman, se mariera avec Franz Alt par dépit. L'auteur imagine une relation amoureuse avec son Altesse royale, le prince Rodolphe qui, devant l'impossibilité de vivre au grand jour cet amour, serait quelque peu un des facteurs de son suicide* (suicide : depuis certains historiens avancent l'hypothèse qu'il aurait été suicidé). Aucun de ses personnages n'est « inodore et sans saveur ». Ils ont tous des personnalités consistantes et divergentes dans cette demeure qui ressemble à son Empereur, François-Joseph, austère, comme figée dans les conventions jusqu'à l'effondrement de la dynastie en 1916. Et les divergences s'accentueront devant l'ampleur du cataclysme historique qui s'annonce.

J'ai retrouvé un même constat de cette Vienne fin et début de siècle que j'avais relevé dans « Mémoires d'un européen » de Stefan Zweig. La défaite, l'inflation, la crise sociale, l'antisémitisme, tout ce qui représentait la stabilité, s'effondre et c'est avec beaucoup d'émotions que j'ai refermé ce livre. Ernst Lothar est autrichien du plus profond de son âme. de cette lecture se dégage une douleur, la souffrance de voir ce que va devenir ce pays tant aimé. Il affirme sa foi inébranlable dans son pays, il cherchera à lui redonner de l'éclat après la période terrible. Il écrit dans sa postface en 1962 « L'âme de l'Autriche aurait été façonnée : Joseph II où la religion de la tolérance, Mozart où l'élévation de l'âme, La forêt viennoise où les bienfaits de la beauté ».

J'ai eu tellement de plaisir à lire cette fiction que je vais de ce pas m'offrir "Retour à Vienne"!

NDL : il y a un bandeau sur la couverture du livre qui m'a surprise. "Le Downton Abbey" de Vienne. Je ne vois pas la relation!


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