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Critique de Sofiert


La nouvelle collection du Seuil « Voix autochtones » propose avec une magnifique couverture de donner la parole à tous les Peuples Premiers et publie le dernier roman de Melissa Lucashenko, auteure aborigène d'Australie.

Le roman est centré sur une jeune femme noire, Kerry Salter, qui après avoir évité la prison et fui sa famille pendant des années, est forcée de rentrer chez elle dans le pays de Bundjalung pour faire face à une crise familiale impliquant l'héritage de ses ancêtres et la confiscation des terres. Militante pour les droits aborigènes, l'auteure n'hésite pas à dénoncer les politiques d'aménagement du territoire qui refusent de tenir compte des droits ancestraux. Elle n'hésite pas à se moquer des Blancs, rebaptisés "sauvagesnormauxblancs" ou "whitefellas" à qui elle reproche de n'avoir ni culture ni bon sens.

Pour autant, le portrait de famille est sans concessions. Dans le rôle de la mère, Pretty Mary, une ancienne alcoolique qui tire les cartes au marché et mène sa famille à la baguette. L'un des frères est alcoolique et très violent, la soeur aînée a disparu à l'adolescence, le neveu est anorexique et va de plus en plus mal.
Lorsque Kerry rentre au village parce que son grand père est mourant, elle n'a pas l'intention de s'attarder, sachant que " ce putain d'endroit était déjà maudit au delà de tout remède".
Toutes les familles aborigènes connaissent ces malédictions : racisme et pauvreté. Racisme d'autant plus visible lorsque l'on est noir, mais tout aussi agressif si on a la peau plus claire. Et la pauvreté qui fait vivre des familles complètes dans des maisons délabrées et des caravanes, rend la promiscuité plus difficile à supporter et engendre de nombreuses violences.
Les femmes sont les premières victimes de ces violences et il leur faut faire preuve d'une forte personnalité pour y échapper. Kerry, en tant qu'homosexuelle, doit encore plus s'imposer, auprès de son frère mais aussi de sa propre mère qui privilégie systématiquement ses fils.
Dans sa note, Melissa Lucashenko précise :" pour que le lecteur n'aille pas penser que le portrait dressé par ce livre de la vie des Aborigènes est exagéré, j'ajouterai que les membres de ma famille élargie ont subi au moins une fois dans leur vie la plupart des faits de violence évoqués dans ces pages. "

Si Kerry reste finalement au village après l'enterrement du grand-père, c'est en partie en raison de la beauté de la nature et de l'attachement aux terres familiales. Elle doit se battre pour empêcher la construction d'une prison au bord de la rivière, mais elle est aussi envoûtée par cette nature que l'auteure décrit avec passion. Ces paysages, la faune et la flore, sont traversés par des intrusions de réalisme magique, notamment avec les corbeaux et le requin, qui enchantent les habitants. de la même manière, le choix de l'auteure d'employer des termes aborigènes et de ne pas ajouter de lexique, ajoute de l'exotisme et du mystère à cette atmosphère, comme bercée par le son du didgeridoo.
Le bush, la rivière, les arbres et les animaux aux noms étranges soulignent la solidarité d'une communauté capable de se rassembler, au-delà de toutes les violences précédemment évoquées, pour célébrer une appartenance.

Merci à Masse critique privilégiée et aux Editions du Seuil pour cette belle découverte.
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