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Critique de Lilo0606160616


Le mort était trop grand nous propose une fresque humoristique et caustique d'une petite ville fictive dominée par les narcotrafiquants, la ville de Villeradieuse en Colombie. Les premières pages nous font découvrir la vie tranquille de Manuel, le narrateur interne. Les codes de la rue sont donnés : style vestimentaire, fierté et fréquentations douteuses sont légions. Quoi de mieux pour se fondre dans la masse d'une ville où la violence des cartels et la pauvreté font rage. Mais prendre part à cette vie de voyous est-ce un choix ou obligation ?

Manuel est un jeune homme qui a vu la plupart de ses amis d'enfance tomber dans l'univers des narcotrafiquants. Issu d'une famille modeste, le jeune homme vit sa vie sans trop se poser de questions, observe son environnement et rêve secrètement de faire partie lui aussi du cercle intime d'un grand Patron. Mais tout cela à un prix, et notre jeune protagoniste, au fil des rencontres, va vivre des moments marquants et endosser la tenue d'un homme dont la tête fût mise à prix quelques mois auparavant…

Les premières pages du roman m'ont déroutée d'un point de vue stylistique. J'ai été surprise pour ne pas dire déstabilisée par le style atypique de l'auteur qui « balance » les mots tels des boulets de canons qu'il m'était difficile de suivre. Certaines phrases étaient tellement étendues que je ne parvenais pas à reprendre mon souffle. Est-ce un moyen pour l'auteur de fondre le lecteur dans un environnement où tout peut se passer en un millième de seconde ? C'est fort probable, cette façon d'aligner les mots incite le lecteur à se concentrer. Cependant, au fur et à mesure, les chapitres se sont enchaînés, les dialogues se sont installés et je me suis finalement habituée à la narration. A l'instar d'un Don Winslow, Luis Miguel Rivas utilise un vocabulaire de la rue, sans filtre et fidèle à l'environnement du récit.

L'univers des narcotrafiquants est connu pour sa violence et ses règlements de comptes entre clans. L'auteur a choisi de jouer la carte de l'humour pour narrer les agissements les plus sombres et les plus controversés des barons de la drogue et de leurs sbires. le ton est sec et d'une transparence mesurée. La violence des personnages est contrebalancée par leurs attitudes parfois cocasses : des bras-droits qui voient revenir des morts, un trafic de vêtements à la morgue, tout est tourné à la dérision. On se retrouve dans un environnement où la fierté, le courage et la parole sont censés être le combo gagnant pour remporter le respect tant désiré mais on découvre rapidement que la trahison et la mauvaise foi sont la face cachée du rêve vendu par les narcos.

J'ai apprécié la profondeur des personnages de Yovani et plus particulièrement du personnage principal, Manuel. Ce dernier nous apparaît comme un garçon comme les autres, qui grandit et voit les « Patrons » comme des modèles de réussite… mais pas trop. Ces personnages sont tentés par la gloire que l'univers des narcotrafiquants peut leur apporter, tel un effet de mode, mails ils vont rapidement comprendre que tout cela a un prix. Est-ce que ce qu'ils vont découvrir va les dissuader ? Est-ce que la moralité et la légitimité d'une vie classique pourront remplacer l'argent, les beaux habits et le respect que peut leur apporter leur vie auprès d'un grand Patron ? Cela est moins sûr car leur destin bascule le jour où ils décident d'acheter des vêtements à la morgue, marchant ainsi sur les plates-bandes du grand Cambalache, sbire de l'un des grands Patrons qui domine la ville.

En définitive, le roman le Mort était trop grand porte bien son nom. Les morts qui composent ce récit sont des victimes collatérales ou des proches du milieu des narcos, des grands qui font pétiller les yeux mais qui, une fois le feu d'artifice terminé, ne sont plus aussi attractifs. L'auteur mêle avec subtilité dénonciation d'un univers qui transforme des petites villes tranquilles en champs de guerre et vante le courage qu'ont certain de vouloir s'en sortir, de faire face à l'oppression que les gangs peuvent faire subir. Mais est-ce aussi simple que cela que de dire non ? Je n'en suis pas si certaine, l'humour employé par Luis Miguel Rivas masque la réalité mais il aura au moins le mérite de décrédibiliser des « célébrités » de la rue en misant sur une démonstration de violence mesurée. Je recommanderai ce roman à tous ceux qui ont apprécié La Cité de Dieux de Paulo Lins et qui souhaite découvrir l'univers des cartels sans pour autant tomber dans un flot de brutalité.
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