Citations sur De la pauvreté en esprit : Suivi de La légence du roi Midas (19)
J’ai voulu mener une vie pure, où tout ne serait touché que par des mains précautionneuses et anxieusement gardées pures ! Mais ce mode de vie est l’application à la vie d’une catégorie fausse. Pure, l’œuvre séparée de la vie l’est obligatoirement, mais la vie ne peut jamais devenir pure, ni l’être. La vie ordinaire n’a rien à faire de la pureté, en elle, la pureté n’est qu’une négation sans force, et pas un chemin pour sortir de la confusion, qu’elle multiplie plutôt.
La bonté n’est qu’un chemin parmi beaucoup d’autres. Mais elle mène certainement à Dieu. Car pour elle, tout devient chemin ; en elle, toute notre vie perd tout ce qui n’était que vivant ; en elle, l’inhumain de l’œuvre accède à la plus haute humanité, son mépris de l’immédiateté au vrai contact avec l’essence.
On ne doit pas vouloir être bon, et surtout ne jamais vouloir l’être dans la relation avec quelqu’un. On doit vouloir sauver quelqu’un, et alors, on est bon.
La vie vivante devra donc s’abandonner à l’ingratitude quotidienne mais s’y abandonner consciemment, en demeurant obsédée par l’œuvre de bonté.
[avant-propos]
Nous interprétons en fonction de nos propres lois ce qui se produit dans l’inconnu éternel des autres.
On voudrait nous voir résignés et entonner le chant de la désillusion, le cri du désespoir. Nous pensons qu'il y a là la pire des dispositions, l'option de l'impuissance. (...) Chaque époque est traversée d'enjeux singulièrement nouveaux, auxquels correspondent des façons singulièrement nouvelles de se confronter au monde. (avant-propos de Jean-Pierre Morbois)
Vous savez combien de fois tout a dépendu d'un seul mot.
(P32)
Il s'agit là de la vie : on peut vivre sans vie ; on le doit même souvent, mais cela doit se produire consciemment, et dans la clarté. Assurément, la plupart des hommes vivent toutefois sans vie et ne le remarquent absolument pas. Leur vie est purement sociale, purement interindividuelle ; voyez-vous : ils peuvent s'en sortir avec des devoirs et leur accomplissement. Pour eux, l'accomplissement de leurs devoirs est même la seule possibilité d'élévation de leur vie. Car toute éthique est formelle. Le devoir est un postulat, une forme, et plus une forme est parfaite, plus elle a une vie propre, plus elle se situe loin de toute immédiateté. C'est un pont qui sépare ; un pont que nous franchissons dans un sens ou dans l'autre, sur lequel nous arrivons toujours en nous-mêmes, mais sans jamais nous rencontrer les uns les autres. Mais ces hommes, de toutes façons, ne peuvent pas sortir d'eux-mêmes, car les rapports qu'ils entretiennent sont au mieux une divination psychologique, et la force du devoir donne à leur vie une forme qui - même si elle n'est pas profonde et intérieure - est pourtant solide et sûre. La vie vivante se situe au-delà des formes, cependant que l’ordinaire se situe en deçà, et la bonté est une grâce : celle de pouvoir briser les formes.
(P28)
Nous la cherchons tous, notre tentation authentique, celle qui ébranle notre essence véritable, au lieu de nous occasionner des mauvais tours seulement à la périphérie.