Citations sur De la pauvreté en esprit : Suivi de La légence du roi Midas (19)
Le roi Midas errait, fatigué, parmi les tristes cyprès, et n’attendait plus rien de la vie, quand il rencontra de nouveau une jeune fille. Ses cheveux étaient noirs et son regard triste et malmené par la dure vie ; sa démarche était lasse, ses yeux brûlaient de tristes feux et les souffrances passées sonnaient dans ses paroles brillantes. Ils se rapprochèrent vivement l’un de l’autre, bien qu’ils soient las tous les deux. Chacun se hâtait seul et voulait passer près de l’autre, pourtant la longue solitude leur déchirait l’âme, et tout en eux désirait la caresse de paroles compréhensives. […] Et le roi Midas parla très longtemps, et la fille trouvait, dans sa propre vie, des récits semblables à ce qu’il avait vécu. Et lorsque le roi Midas parla du chemin, et lui dit pourquoi il avait suivi justement celui-là, et d’où il venait et où menait le chemin, et où il ne fallait pas s’arrêter et qu’est-ce qui obligeait pourtant à s’arrêter, alors la fille parla aussi de son propre chemin, et sur le sien aussi, il y avait des endroits où il ne fallait pas s’arrêter. Et chacun des chemins leur donnait l’impression que c’était seulement maintenant qu’il menait vers de belles haltes. Ils sentaient que le chemin d’aucun d’eux ne menait nulle part et qu’ils devaient tous deux diriger leurs pas ailleurs, sur un chemin qu’ils n’avaient fréquenté ni l’un ni l’autre.
La bonté est le devoir et la vertu d’une caste plus haute que la mienne.
La bonté n’est qu’un chemin parmi beaucoup d’autres. Mais elle mène certainement à Dieu. Car pour elle, tout devient chemin ; en elle, toute notre vie perd tout ce qui n’était que vivant ; en elle, l’inhumain de l’œuvre accède à la plus haute humanité, son mépris de l’immédiateté au vrai contact avec l’essence.
Par la pauvreté, la privation de l’âme devient l’activité, la rage féconde et effroyable qu’est l’obsession de l’œuvre, laquelle a soif de réalisation.
Nous n’avons aucune vertu, nous ne sommes pas non plus vertu, la vertu nous a ; et être pauvre en esprit veut dire se tenir prêt pour notre vertu.
Nous la cherchons tous, notre tentation authentique, celle qui ébranle notre essence véritable, au lieu de nous occasionner des mauvais tours seulement à la périphérie.
La pauvreté en esprit n’est qu’une condition préalable, simplement un premier stade de la véritable conduite de vie ; le Sermon sur la montagne promet la béatitude, mais pour Fichte, c’est la vie même qui s’appelle « vie bienheureuse ». La pauvreté en esprit, c’est se libérer de son propre conditionnement psychologique, afin de se livrer à sa nécessite propre, métaphysique et métapsychique, la plus profonde. Renoncer à soi, afin de réaliser par-là l’œuvre qui, de mon point de vue, ne m’appartient que fortuitement, mais par laquelle je deviens nécessaire à moi-même.
Toute clarté est inhumaine, car la prétendue humanité consiste en un effacement et une confusion permanents des limites et des domaines.
J’ai voulu mener une vie pure, où tout ne serait touché que par des mains précautionneuses et anxieusement gardées pures ! Mais ce mode de vie est l’application à la vie d’une catégorie fausse. Pure, l’œuvre séparée de la vie l’est obligatoirement, mais la vie ne peut jamais devenir pure, ni l’être. La vie ordinaire n’a rien à faire de la pureté, en elle, la pureté n’est qu’une négation sans force, et pas un chemin pour sortir de la confusion, qu’elle multiplie plutôt.
On ne doit pas vouloir être bon, et surtout ne jamais vouloir l’être dans la relation avec quelqu’un. On doit vouloir sauver quelqu’un, et alors, on est bon.