Citations sur Le secret de Copernic (24)
Entre la jalousie et l'admiration, la frontière est tenue.
- Vous avez, je suppose, lu un jour l'Almageste ? Fit-il en prenant des allures comiquement pédantes. Eh bien, pour ma part, depuis maintenant bientôt quinze ans que je le dissèque, que je le tourne et le retourne dans tous les sens en grec, en latin, et même en allemand, je reste désemparé par l'extrême complication de la mécanique céleste que Ptolémée et ses successeurs nous imposent depuis tant de siècles.
- Tu n'es pas le premier à le dénoncer, mon neveu, à ce que j'en sais. Détruire est parfois une bonne chose. Mais que construire à la place ?
- La simplicité, mon oncle, la simplicité. La nature ne fait rein de superflu, rien d'inutile ; elle sait tirer de nombreux effets d'une cause unique.
Dans cet ouvrage, La Docte Ignorance, qui plaidait, contrairement à Ptolémée, pour un univers infini, Nicolas avait relevé cette phrase qui le fascinait : "Le centre du monde est partout, et sa circonférence nulle part." Il avait déjà relevé à peu près la même formule dans un livre de Ficin dont il ne se rappelait pas le titre. C'était fort beau, mais hélas pas démontré par le calcul mathématique. Peut-être dans Regiomontanus...
- [...] dévoiler la vérité inconsidérément et à n'importe qui, c'était comme si - voilà, ça me revient - "comme si on versait de l'eau propre dans un vase plein d'ordure , on ne ferait qu'agiter l'ordure et gâter l'eau"...
- Quand donc cesserez-vous, vous autres Italiens, de plaisanter avec tout ? ragea Copernic en tapant du poing le pommeau de sa selle. Je te demande de me conseiller, pas de te moquer de moi.
- Et quand donc cesseras-tu, trop sérieux Prussien, parodia Novara en claquant à son tour l'encolure de sa mule, de ne pas prendre avec toute chose la distance d'un sourire ? À croire que tu n'as jamais lu Platon, que tu n'as jamais perçu que Socrate, pour accoucher les âmes, usait de l'ironie comme du meilleur des instruments. Songe aussi à Lucien de Samosate. L'ironie, Nicolas, est un doute qui construit. C'est force de création et de réflexion, face aux certitudes, prédictions et axiomes assénés par ceux qui affirment savoir sans avoir sans avoir jamais rien appris.
C'était à l'aventure qu'il fallait découvrir Florence, comme c'est à l'aventure qu'on découvre la liberté.
-Oui, Dantiscus, voilà la solution. Les rapports entre lui et le chanoine ne sont certes pas des meilleurs. Une histoire de femme, d'après ce que j'ai compris. Ah, ils sont encore chauds, malgré leur âge, ces deux prêtres-là! Maudits soient les voeux de chasteté! Mais malgré cela, Dantiscus ne tarit pas d'éloges sur Copernic et sa théorie. Il faut dire que l'astronome redore singulièrement le blason de son triste évêché. En plus, et bien que tout les oppose sur le plan religieux et politique, ce diable de catholique- je parle de Dantiscus- est resté très lié avec cette canaille luthérienne de Melanchthon. Les deux hommes s'estiment. Voilà enfin de la belle philosophie. Celle de la tolérance, mon ami, de la divine tolérance! C'est comme une éclaircie, un coin de ciel bleu dans cet orage imbécile qui n'en finit pas de crever, dans ce monde de brutes où l'on s'étripe à propos de pucelage de la mère du Christ. Est-ce Joseph qui l'a déchiré, l'hymen de Marie, ou l'archange saint Michel? A-t-elle été foutue par le cul ou par l'oreille? Insondable question! Et quand je dis insondable...
- Moins fort, je t'en prie!
- Le Soleil, le grand tabernacle, l'âme du monde... Au centre... La Terre, nous, tournant autour de lui. Pourquoi personne n'y avait songé avant lui ? (p.284)
Intrépides, érudits, intègres mais habiles négociateurs, carriéristes parfois, les savants sont avant tout humanistes. Tous sont universalistes, en contact avec d'autres cultures, tous ont conscience d'oeuvrer au progrès de l'humanité. ainsi, au fil des pages, le lecteur d"couvre à la fois les avancés de la science mais aussi les progrès des idées d'une Europe en train de se faire.
La fiction permet de mettre de la chair sur des personnages historiques et des concepts à première vue abstraits, parce que "scientifiques" . La fiction humanise le propos et démontre que le savoir n'est jamais séparé de l'émotion.