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Critique de Seraphita


Thomas B. McMann est un illustre chercheur universitaire qui s'est notamment distingué par un ouvrage « Eux et Nous : Conflit de Rôles à River City ». Ses préoccupations de recherche actuelles portent sur les effets de l'opposition interne sur un petit groupe. Une annonce plutôt farfelue dans un journal va lui offrir une belle opportunité. Il y aura « Eux et Nous » dans cette étude. D'un côté, le sociologue de renom et son assistant, Roger Zimmern. de l'autre, un groupe un peu particulier, « les Chercheurs de la Vérité », constitué de quelques originaux regroupés autour d'une figure centrale : Verena, une jeune femme qui a la conviction d'être en contact avec d'autres planètes, habitées par des êtres parvenus à un degré supérieur d'évolution. Afin de pouvoir mener leur recherche à bien, les deux sociologues vont se convertir d'abord en « Chercheurs de la Vérité ». Mais Roger se rend vite compte des limites de l'observation participante : entre chercheurs et Chercheurs, l'étanchéité n'est pas assurée et les fragiles édifices de la raison peuvent vite être balayées par les flots du fanatisme…

C'est « L'échec d'une prophétie », cosigné par Leon Festinger, Hank Riecken et Stanley Schachter et publié en 1956, qui a inspiré ce roman à Alison Lurie. « L'échec d'une prophétie » narre les tribulations de sociologues infiltrant une secte millénariste qui annonce la fin du monde le 21 décembre 1954. Les faits vont bien sûr démentir la prophétie. Pour autant les adeptes ne perdront pas la foi… Elle va même croître, les fanatiques s'arrogeant une mission : porter la bonne parole salvatrice à travers le monde. « L'échec d'une prophétie » qui se présente sous la forme d'un journal de terrain confirme la pertinence de la théorie de la dissonance cognitive. Quand une prophétie échoue, une théorie se voit validée !
Alison Lurie s'inspire de cette recherche véridique pour imaginer une fiction dans laquelle l'humour prédomine, tant les croyances des Chercheurs semblent farfelues et décalées. Verena, grande prêtresse du groupe, va conduire ses membres à bien des renoncements : sur le plan alimentaire, tout d'abord, vestimentaire, ensuite, puis au niveau du mobilier, tous ces choix étant bien sûr dictés par une puissance supérieure, « Ro de Varna », le guide spirituel dont la Venue est proche. Les sociologues vont avoir à leur disposition un matériau de choix : comment les adeptes vont-ils réagir face à chaque injonction de Verena, commandée d'en haut ? Une opposition va-t-elle naître ? le consensus va-t-il pouvoir se faire ? Cet humour est étroitement lié à la finesse de l'argumentaire scientifique.
Mais vers la fin, le rire s'estompe quelque peu et des questions surgissent, cruciales, qui ont trait à la dangerosité potentielle de tels groupes : la menace du fanatisme est pointée du doigt. Mais le C(c)hercheur qui va l'incarner n'est pas celui qu'on croit… Un ultime tour de force d'Alison Lurie surgit au final : le savoir scientifique et ses recherches préservent-ils du fanatisme ? A l'orée de la vérité tant recherchée, la raison, fragile fétu de paille, semble bien déraisonner…
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