Fais de ta vie un rêve, et de ton rêve une réalité

Parfois, le rire est une excellente cachette. Une fillette avec une coupe au bol passe sa main sur sa nuque en relisant avec attention la phrase projetée sur le mur. Les élèves ont choisi la protagoniste, son désir et son antagoniste. C’est comme ça qu’on construit une histoire, leur a expliqué Francesca, leur maîtresse, qui a conçu ces ateliers pour leur apprendre à devenir amis avec les mots.

Qui sait, le bonheur consiste peut-être à contracter de nouvelles habitudes ? Disons plutôt de nouvelles bonnes habitudes. Comme caresser plus souvent le ventre de mon chat. Et le mien aussi, par la même occasion.

Je crois que c’est en regardant la tarte aux pommes en train de cuire dans le four que j’ai appris à aimer le jaune. Le jaune n’a pas peur de s’assombrir. Il n’a pas peur des changements. Il est même disposé à devenir marron, par endroits. Et j’ai appris qu’il faut le temps qu’il faut pour faire naître les choses qui n’existaient pas auparavant.

 Une tarte a besoin d’air, comme nous, m’avait-elle expliqué, car elle est vivante, elle aussi. Les petits trous servent à la faire respirer. » Quand j’ai grandi, j’ai compris que c’était pour ça que mon père allait se promener le samedi après-midi : pour aérer ses pensées. C’était sa manière d’en prendre soin. Et maintenant qu’il n’est plus là pour le faire, je me suis engagée à perpétuer cette coutume dans notre famille.

Nicola aime imaginer son père quand il avait son âge et lisait ces mêmes histoires. Il se dit qu’ils étaient déjà ensemble à l’époque, d’une certaine manière. Il était déjà proche de son père, mais plus petit que maintenant, invisible, tel un super-héros doté du pouvoir de se déplacer dans le temps – parce que le temps n’est pas son ennemi et ne le sera jamais.

Sa grand-mère dit parfois que les enfants ressemblent à ceux avec qui ils passent le plus de temps, mais il n’est pas d’accord. Les enfants ressemblent à ceux qui sont capables de rester dans leur cœur, même à distance. Sa mère, cependant, a le même ennemi que tous les autres adultes : le temps. Toujours en retard, toujours autre chose à faire, et ça ne les rend pas plus heureux pour autant. Sinon, il les entendrait sourire, même sans les regarder.

Dans On a marché sur la Lune, il aime le méchant, ainsi que le moment où les personnages sont à court d’oxygène. La scène où ils parlent du cirque lunaire qui a besoin de deux clowns l’amuse beaucoup. Milou aussi est rigolo. Nicola voudrait que son père lui offre un chien. Mais un gros chien, plus gros que celui de Tintin, à poils bruns, pour qu’ils puissent jouer dans le parc sans que ça se voie s’il se roule dans la terre ou dans la boue, quand il pleut et que le jeu se colle à vous et vous trahit.

Emilia n’a jamais voulu voir de films d’horreur parce que les méchants des contes de fées la terrorisent encore, surtout la sorcière de Blanche-Neige. Elle n’arrive pas à accepter le mal. Aujourd’hui, elle ne sait toujours pas si la scène la plus traumatisante est celle où la reine se transforme en un être d’une laideur qui n’a d’égale que sa jalousie, ou celle où la princesse la défend contre les animaux de la forêt, qui eux sont ses amis et tentent de la protéger. « Vilains, allez-vous-en, vous devriez avoir honte : effrayer ainsi une pauvre vieille ! »

Elle aimait bien ce travail, pourtant. Il lui permettait d’avoir un aperçu de la vie des autres, une vie différente de la sienne. Elle était chargée d’études de marché. Et tandis qu’elle menait des entretiens pour sonder l’effet de tel produit de nettoyage ou de telle voiture avant leur lancement, elle essayait d’imaginer quelle place les hommes et les femmes qu’elle interrogeait occupaient dans le monde.

Elle ne sait pas que le rouge est la couleur du danger. Elle n’y a jamais pensé. Peut-être qu’elle est en péril, à cause du gris et du rouge. À cause des voix dissonantes dans les boîtes. À cause de ses pieds et des routes divergentes qu’ils indiquent. Le fait est que même deux pieds doivent s’entendre, on ne peut pas les envoyer dans des directions différentes.