La dernière Houri

L’édifice bâti en bois et briques, à l’élégante ossature, aux poutres et colonnes apparentes, possédait un puits du ciel — ouverture carrée dans le plafond — qui laissait échapper chaleur et fumées, pénétrer luminosité et pluie. Un petit bassin à l’eau limpide, au centre de la pièce principale, réfléchissait la lueur des herses qui brillaient çà et là. Une odeur aromatique et d’encens parfumait ce lieu où régnait une atmosphère paisible.
Au fond, dans une niche, l’effigie en or de la déesse compassionnelle Guanyin — les mains jointes, assise sur un éléphant endormi, le tout grandeur nature — accaparait aussitôt le regard. De l’ensemble de la sculpture émanaient une harmonie et un formidable sentiment de tolérance qu'accentuait la finesse du visage bienveillant. Soudain, un rayon lumineux souligna ses lèvres. La statue sembla sourire.

Au large apparaissait un navire. Deux rangs de rames frôlaient la surface de la mer. La proue en forme d’oiseau, le bec ouvert, les faisait ressembler à des ailes. Les appels d'airain lancés par les trompettes pour annoncer la venue des visiteurs évoquaient les cris stridents des mouettes.
Brusquement, la terre trembla légèrement. Les dix religieuses s’agrippèrent l’une à l’autre. Puis, le paysage leur devint trouble. Elles eurent beau plisser les yeux, il ondulait comme vu à travers la vapeur d’une eau bouillante. Alors, un atroce barrissement résonna. Un choc transperça les poitrines ; un feu brûla les veines ; les articulations craquèrent et les têtes compressées semblèrent éclater. Un dernier son fulgurant et strident vrilla les oreilles. La normalité reprit contact avec le monde.
Toutes savaient les conséquences terribles du Souffle-Pétrifiant. Toutes savaient que pour l’une d’entre elles…