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Critique de gerardmuller


Grace / Paul Lynch
Une odyssée vers la lumière.
L'histoire commence à Blackmountain dans le comté de Donegal en Irlande en 1845. La Grande Famine ravage le pays car le mildiou a anéanti les cultures de pomme de terre, l'aliment de base des paysans irlandais ; la jeune Grace Coyle est contrainte de quitter sa famille composée de sa mère Sarah enceinte d'un cinquième enfant, de son jeune frère Colly âgé de 12 ans et de deux petits, afin de chercher un moyen de subsistance. Après s'être vue couper ses beaux cheveux longs au couteau par sa mère et affublée de vêtements pour ressembler à un garçon, Grâce part en compagnie de Colly sur les routes vers la ville pour tenter de trouver un travail afin de ramener quelque monnaie pour nourrir la fratrie. Pas de père connu donc mais un sinistre individu répondant au nom de Boggs , propriétaire de la bicoque exerçant un droit de cuissage sur Sarah en guise de loyer, passe de temps à autre donc prendre son loyer et aussi loucher vers Grace qui a 14 ans. Sarah ne peut le supporter et incite Grace à partir.
D'emblée on est séduit par le style poétique et la qualité de la traduction : « Grace se tient dans la pénombre pour guetter le retour de sa mère…Le vent, animal invisible, flaire les herbes et les fait ployer, accompagnement constant de sa vie ici à Blackmoutain, sur cette colline nervurée de rocs … »
Sous une pluie battante et un froid saisissant, les deux enfants errent à la sortie de la ville parmi les gens ivres et les va – nu - pieds et ils leur tardent de trouver le calme de la campagne afin de rencontrer au hameau voisin Dinny Doherty, un ami de Sarah marchand de poneys. La faim et le froid, la peur et les superstitions ont vite fait d'épuiser et angoisser Grace et Colly qui se réfugient dans une bicoque délabrée qui leur réserve un dangereuse surprise. On est dans la période de la Nuit des Morts (Samhein) et la grande faucheuse guette ses proies.
Grace rencontre un groupe de garçons qui mène un troupeau de bovins à travers le Donegal et se joint à eux toujours avec cette crainte d'être découverte être une fille. Les moments de la toilette sont particulièrement délicats et combien de temps encore pourra – t – elle cacher son identité ? Et qu'adviendra – t - il ensuite ?
Commence alors pour Grace une errance de plusieurs années avec pour seule compagnie dans un premier temps la voix de son frère Colly qui murmure en elle. Souvent pourchassée telle un gibier, Grace finit par faire route avec un jeune estropié, John Bart, qui la défend contre les hommes sans obtenir la moindre reconnaissance : Grace est devenue une sorte d'animal sauvage avec pour seule arme son couteau qui ne la quitte jamais, mais elle a besoin de John pour la défendre contre les hommes.
« Dans la lumière vacillante, elle voit qu'il est hachuré de cicatrices. le souffle coupé, elle lui effleure la peau et retire aussitôt sa main. Elle se demande quelle existence il a menée, quelles circonstances l'ont conduit jusque là, auprès d'elle à cet instant précis, évoquant devant le feu comme un pur esprit, comme un danseur, une ombre avec un couteau. »
le corps de Grace « pousse de partout » au point qu'elle a renoncé à bander sa poitrine. Et John Bart comprend peu à peu mais garde le silence. Tout deux deviennent des bandits de grands chemins et n'hésitent plus à piller et voler pour survivre après avoir fait la connaissance de Mc Nutt, un homme terrible qui les prend sous sa coupe.
Rencontres de mendiants, de brigands et d'assassins se succèdent. Des pages et des pages de litanies de misère, de froid et de faim, un récit haletant comme leur course à travers les landes désolées balayées par les vents glacés. Avec Colly dans son coeur, elle réalise que le monde n'est pas aussi simple que ce qu'elle croyait, à savoir qu'il y avait le bien d'un côté et le mal de l'autre. Elle n'est plus sûre de rien avec tout ce qu'elle a vu autour d'elle, tout ce qu'elle est obligée de faire pour survivre et se dit que l'on ne peut passer pour quelqu'un de mauvais quand on essaie simplement de sauver sa vie.
La rencontre d'un gourou concupiscent et s'adonnant volontiers à la simonie ne la fera pas dévier de sa route apocalyptique et hallucinatoire et de son instinct de survie pour trouver un morceau de pain.
Tout au long de ce récit de 580 pages écrit dans un style lyrique et poétique, Paul Lynch nous offre un suspense dans le genre de celui de « La route » de Cormac Mc Carthy.
Il faut savoir que la Grande Famine de 1845 en Irlande dura sept ans et qu'elle réduisit la population d'un quart de par les décès et l'émigration massive, notamment vers les Etats-Unis.

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