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Critique de Iboo


Ce n'est jamais le pur hasard qui nous amène vers un livre. Non, il y a toujours un petit quelque chose, pas toujours définissable, qui fait que notre regard est attiré par un mot, un nom, une image... Puis, notre main se tend, on le prend, on le palpe, on se décide, on l'emporte, on l'ouvre. Il n'y a pas de hasard. C'est le livre qui a parlé, qui nous a parlé.

Et ce livre-là avait fait plus que me parler, il m'avait donné rendez-vous...
RENDEZ-VOUS A SAMARKAND (Extrait des Contes des 1001 nuits) :

Un matin, le khalife d'une grande ville vit accourir son premier vizir dans un état de vive agitation. Il demanda les raisons de cette apparente inquiétude et le vizir lui dit :
- Je t'en supplie, laisse-moi quitter la ville aujourd'hui même.
- Pourquoi ?
- Ce matin, en traversant la place pour venir au palais, je me suis senti heurté à l'épaule. Je me suis retourné et j'ai vu la mort qui me regardait fixement.
- La mort ?
- Oui, la mort. Je l'ai bien reconnue, toute drapée de noir avec une écharpe rouge. Elle est ici, et elle me regardait pour me faire peur. Car elle me cherche, j'en suis sûr. Laisse-moi quitter la ville à l'instant même. Je prendrai mon meilleur cheval et je peux arriver ce soir à Samarkand.
- Etait-ce vraiment la mort ? En es-tu sûr ?
- Totalement sûr. Je l'ai vue comme je te vois. Je suis sûr que c'était elle. Laisse-moi partir, je te le demande.

Le khalife, qui avait de l'affection pour son vizir, le laissa partir. L'homme revint à sa demeure, sella le premier de ses chevaux et franchit au galop une des portes de la ville, en direction de Samarkand.

Un moment plus tard, le khalife, qu'une pensée secrète tourmentait, décide de se déguiser, comme il le faisait quelquefois, et de sortir de son palais. Tout seul, il se rendit sur la grande place au milieu des bruits du marché, il chercha la mort des yeux et il l'aperçut, il la reconnut. Le vizir ne s'était aucunement trompé. Il s'agissait bien de la mort, haute et maigre, de noir habillée, le visage à demi dissimulé sous une écharpe de coton rouge. Elle allait d'un groupe à l'autre dans le marché sans qu'on la remarquât, effleurant du doigt l'épaule d'un homme qui disposait son étalage, touchant le bras d'une femme chargée de menthe, évitant un enfant qui courait vers elle.

Le khalife se dirigea vers la mort. Celle-ci le reconnut immédiatement, malgré son déguisement, et s'inclina en signe de respect.
- J'ai une question à te poser, lui dit le khalife, à voix basse.
- Je t'écoute.
- Mon premier vizir est un homme encore jeune, en pleine santé, efficace et honnête. Pourquoi ce matin, alors qu'il venait au palais, l'as-tu heurté et effrayé ? Pourquoi l'as-tu regardé d'un air menaçant ?

La mort parut légèrement surprise et répondit au khalife :
- Je ne voulais pas l'effrayer. Je ne l'ai pas regardé d'un air menaçant. Simplement, quand nous nous sommes heurtés, par hasard, dans la foule et que je l'ai reconnu, je n'ai pas pu cacher mon étonnement, qu'il a dû prendre pour une menace.
- Pourquoi cet étonnement ? demanda le khalife.
- Parce que, répondit la mort, je ne m'attendais pas à le voir ici. J'ai rendez-vous avec lui ce soir, à Samarkand.

Farid ud-Dîn Attar
Poète et mystique soufi de la Perse,
né vers 1140 et mort vers 1230 à Nishapur

C'est cette légende, racontée par mon père quand j'étais enfant qui a fait que, cinquante ans plus tard, j'ai été irrésistiblement attirée par ce livre. Lequel livre, d'ailleurs, ne fait à aucun moment état de cette légende mais, étrangement, son auteur est né à Nishapur, comme Omar Khayyam...

Quel livre fabuleux que ce "Samarcande" ! Seul un oriental comme le talentueux Amin Maalouf pouvait l'écrire en y conservant toute la magie et le fantasme.
Ne me résignant pas à mettre fin au voyage, je n'ai pu résister, en le refermant, à aller quérir sur le Net toutes les informations que je pouvais trouver sur ce lieu mythique, sur ses personnages historiques, et même sur les "Robaïyat" d'Omar Khayyam.
Fascinant ! Absolument fascinant !
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