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Critique de indimoon


Comme des personnes, il est des lectures pudiques. Elles ne se dévoilent que si on leur accorde intérêt et attention. Ainsi l'on peut choisir de s'en détourner si elles n'ont pas à nos yeux la curiosité qui suscite un effort de notre part. Tout comme à l'inverse l'on peut décider, armé de patience, avide de compréhension face à une oeuvre ou à quelqu'un qui nous paraît fascinant, de semer dans notre petite tête des graines de réflexion et d'imagination. Graines qui pourraient faire croitre de beaux fruits goûteux et de belles feuilles brillantes, faire épanouir et éléver une pensée, lui donner forme et force. le tout parfois auréolé d'admiration pour autrui.
Comme j'admire dorénavant le talent d'autrice de Carmen Maria Machado, après avoir décidé de me donner le temps de relire et de digérer ce premier recueil de nouvelles daté de 2017. Après avoir choisi de ne pas me fermer au premier abord, parceque le sens m'avait échappé pour une bonne part des 8 nouvelles. Ma curiosité et mon admiration tout de même titillée dès la première " le point du mari ", je n'ai pas pu me détourner de ce livre, et passer simplement à autre chose, sans lui donner toute l'attention qu'il mérite.
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La voix est donnée à plusieurs femmes au cours de ces nouvelles. Par des façons détournées, qui surprennent, comme ce ruban vert qu'une femme a noué à son cou, n'autorisant à personne le droit de le toucher, dans une première nouvelle, il est notamment question de la condition féminine de toute une société. Il est question du corps, sa posséssion par autrui, son appropriation par soi-même, son usage comme objet de désir et de plaisir pour les autre et pour soi-même.
Dans une autre nouvelle "A corps perdu" ce corps féminin devient peu à peu transparent, les femmes étant atteintes d'un mal mystérieux qui les fait disparaître. Ici la condition féminine ne détruit pas le corps, elle l'annihile purement. Et les femmes oscillent entre soumission et malice, tristesse et rage. Ma nouvelle favorite, le frisson si difficile à atteindre entre sens et incongru, entre folie et clairvoyance, entre brutalité et finesse.
La condition fémninine, mais aussi les injonctions de la société sur les femmes, sur leur corps, sont aussi très présentes dans la non moins magnifique nouvelle "Huit bouchées". Accepter de se rencontrer soi-même, ou répondre aux injonctions, là est le dilemne de cette femme qui se fait poser un anneau gastrique. Et la réponse de l'autrice est merveilleuse, et m'a beaucoup touchée.
D'une manière différente, cette question de l'acceptation de soi est aussi traitée dans " En résidence ", sous le prisme de l'identité sexuelle. L'homosexualité, le sexe, sont centraux dans les nouvelles de l'autrice dont le discours est aussi engagé que celui de toutes les femmes auxquelles elle donne la parole.
Les scènes et les mots sont crus, choquants tel un tableau expressionniste, avant même d'en saisir le sens. Dans "Pénible en soirée" une femme est aux prises avec un traumatisme dû à une agression. Elle sort à peine de l'hôpital et voudrait reprendre sa vie et sa sexualité en main, mais le traumatisme s'insinue en elle de façon étrange.
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Je ne vais pas égrénner toutes les nouvelles une par une, toutes m'ont saisie, tant par le fond que par la forme. Certaines m'ont laissée de côté malgré mes relectures, comme " Mères ", où réalité et folie sont intriquées, entre peur et désir, entre passion ennivrante et destructrice entre femmes. Un fantasme né de la question de maternité dans leur couple semble les pousser à la rutpture. "Particulièrement monstreux" a fait baisser ma note, car je n'ai pas eu le courage de la relire. En plus d'y être paticulièrement hermétique pour ma part, je l'ai trouvée particulièrement longue.
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Toujours est-il que, malgré ce de quoi je suis hélas passée à côté, et c'est une frustration et non une critique, je suis conquise.
Le style de Machado a le tranchant d'une hache, de part sa crudité, son animalité, et la finesse d'un cristal, de part les émotions et la réflexion qu'il suscite. Les femmes que j'ai croisées ont la force de toutes celles qu'elles représentent en nombre, et l'évanescence de leurs fragilités. Leur pluralité élève haut la voix de toutes les femmes.
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Mention spéciale à la couverture des éditions de l'Olivier. Oui, nous célébrons notre corps, notre pensée, notre liberté souvent entravée et tout un tas d'autres célébrations dans ce titre si bien choisi. L'image, ce dos de femme désirable à la nuque dévoilée, fait écho notamment à la première nouvelle de part la couleur verte qui parait à son cou, comme un ruban, par transparence avec le fond vert de la couverture. Une figure féminine en noir et blanc qui contraste sur un fond vert fluo, qui correspond bien à une charge acide, trash et incongrue qui ne manque pas d'interpeller durablement.
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