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Critique de pasiondelalectura


Voici un auteur brésilien du XIX qui est peu connu, qui est plus cité que lu, mais qui est un grand écrivain sud-américain, fondateur de l'Académie des Lettres dans son vaste pays.
"L'aliéniste" est un bijou datant de 1881, une pépite que j'ai lu en espagnol, c'est à dire déjà traduit du portugais. Quelle splendeur cela doit être de le lire en langue vernaculaire !
C'est un conte philosophique, d'un modernisme, d'une drôlerie, d'une pertinence incroyables. le narrateur prend le lecteur à témoin et lui fait sans arrêt des clins d'oeil.
C'est l'histoire du bon docteur Simon Bacamarte qui revient au Brésil après des études européennes à Coimbra et à Padoue. Il a en tête d'ouvrir un asile d'aliénés dans une petite localité près de Rio de Janeiro: Itaguaí. L'idée est pour le moins très originale parce qu' à l'époque on soigne les malades mentaux agités à la maison et les "calmes" se promènent tranquillement en ville.
Nous sommes dans un Brésil colonial à la fin du règne de l'empereur Dom Pedro II et le début de la république. le mot aliéniste est nouveau, le docteur Bacamarte est un contemporain de Charcot et la psychiatrie balbutiante s'attache aux classifications des maladies mentales plus qu'à guérir les patients.
Très vite le docteur va remplir son asile avec les 4/5ème de la population d'Itaguaí parce que les maniaques en tout genre pullulent en ville; même sa jeune épouse sera internée car elle a la "manie du luxe" avec son goût immodéré des bijoux...
A cette époque et dans cette société, le rôle du médecin est en compétition avec le rôle du curé parce que le discours médical va remplir le vide laissé par le discours religieux.
Le bon docteur passe son temps le nez dans les livres de Médecine du temps d'Averroès et pour dire les choses clairement, il est totalement à côté de la plaque.
A force d'interner à tour de bras les âmes d'Itaguaí, le docteur Bacamarte va réviser sa position et comprendre que le déséquilibre mental est "normal" et exemplaire et que les cas "équilibrés" devront être considérés comme pathologiques.
Il va postuler que la folie on la retrouve chez une minorité de gens équilibrés et vertueux, alors que la raison est présente chez la majorité des fous.
Et que finalement à Itaguaí il n'y a pas de fous et que c'est lui, le docteur Bacamarte qui a le maximum d'attributs du "parfait frappadingue". Son échec à trouver une vérité scientifique équivaut à l'échec de la Science.

Un conte très brillant, avec une écriture parfaite, un style finement ironique qui pousse à nous formuler quelques questions : qui est fou? qui n'est pas fou ? Si vous optez pour une réponse lacanienne, tout le monde est fou.

Cette lecture m'a laissé l'envie de lui lire son chef d'oeuvre de 1899, le roman "Dom Casmurro", ainsi que sa biographie par l'écrivain chilien Jorge Edwards "Machado de Assis" de 2003.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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