AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Wyoming


Très beau roman, esthétique par la qualité poétique de l'écriture de Bruce Machart, savamment structuré autour de quatre périodes de la vie de ses protagonistes, avec des longueurs que l'on regrette quand on approche du terme de la lecture, une fin qui résume en deux pages tous les mystères, douleurs, frustrations individuelles et familiales déroulés au long de cette épopée qui voyage dans le temps entre 1895, 1898, 1910 et 1924.

Karel, le plus jeune de quatre frères qui ont subi l'autorité plus que dure de leur père, veuf prématurément, la mère morte lors de l'accouchement par sa négligence, voit sa vie marquée par la perte de cette mère que lui reprochent frères et père. Il sera le seul à rester auprès de lui et à endurer le plus longtemps son pouvoir, les autres n'étant guère mieux lotis, pris dans les griffes du même beau-père dont ils ont épousé les trois filles.

Toute l'action se déroule dans l'ambiance des chevaux, ceux de course, magnifiques, voués à devenir bêtes de trait lorsque l'inconscience ou la mauvaise humeur de leur propriétaire leur inflige une castration prématurée. Les récits de ces courses où se jouent l'avenir des quatre sont développés avec des mots qui portent, font espérer, blessent, tuent, sans doute pas des vies, mais anéantissent toute possibilité de libre arbitre pour ceux qui les entendent.

L'humour n'est pas absent et de nombreuses répliques suggèrent, même dans les plus grands malheurs, une dérision des maux de l'existence. Chacun y va de ses petites phrases qui peuvent prêter à un certain sourire malgré la dureté des situations.

C'est un roman d'hommes, du moins tels que le croient ses acteurs, mais c'est aussi un roman de femmes, d'amantes, de mères dont les seins abreuvent l'enfance de ces malheureux guerriers de la vie, sans pour autant les rassasier. La mère absente y tient une place déterminante et apparaît dans différentes scènes marquantes comme la perte définitive de l'unique photographie dont le père et ses fils disposaient.

La nature est omniprésente aussi bien à travers les labours des futurs champs de coton, que les récoltes espérées et obtenues à la sueur des fronts des hommes, engendrant leur soif, trop souvent satisfaite par l'alcool qui atteint leurs sens et les écartent de temps essentiels de la vie, comme pour Karel la naissance de son fils.

La religion a également son importance et, si tous jurent le nom de Dieu, ils le prient et l'implorent à leur manière, sans lui imputer leurs malheurs, conscients qu'ils sont de leurs propres fautes qui les ont causés et anéanti pour eux l'amour qu'il soit filial ou conjugal.

Bruce Machart se donne du temps tout au long de son écriture, il insuffle peu à peu toute la dimension de ses personnages, même pour ceux dont les apparitions non déterminantes revêtent néanmoins une importance.

Et puis, c'est un roman avec une belle fin, une fin et non un dénouement, une fin hommage à toutes ces femmes qui ont offert leurs seins à ces hommes, comme les sources intarissables de vie qu'elles ont dispensées, sans qu'il importe qu'elles soient des mères ou pas.

Commenter  J’apprécie          1040



Ont apprécié cette critique (104)voir plus




{* *}