A Srebrenica, la seule façon de rester innocent était de mourir
La justice des hommes peut-elle exister ?
Pouvons-nous vraiment rendre la justice en tant qu'êtres humains ? Des êtres humains souvent guidés pa le plus haut désir d'équité, mais toujours enfants de leur histoire et de leurs petits problèmes quotidiens, d'inepties qui peuvent conduire à changer l'ordre des événements. p. 223
Les hommes changent pendant la guerre Ils s’habituent à la présence de la mort, ils révèlent un autre aspect de leur personnalité. Connerie. On ne s’habitue jamais à la pensée de la mort…
"À Srebrenica, la seule façon de rester innocent était de mourir"
A Srebrenica, la seule façon de rester innocent était de mourir.
La guerre exacerbe le caractère de tous les hommes. C'est ce que je me disais au début pour expliquer l'extrême rigueur du lieutenant Milorad, mais après quatre mois passés ensemble, je commence à penser que c'est simplement une façon pour lui de se protéger. Le fait d'avoir des tâches bien déterminées, de les répéter de façon systématique et méthodique, l'aide à effacer tout lien de cause à effet. tout est perçu comme nécessaire, comme une tâche indiscutable qu'il est appelé à réaliser.
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Il me suffit de sentir sur moi les regards des autres soldats en rang pour la soupe pour savoir ce qu'il en est. En interrompant leur petit jeu, j'ai fait un pas en avant, je me suis distingué en contredisant le désir du troupeau. Erreur colossale dans l'armée, surtout de la part d'un bâtard dans une guerre où ne pas avoir les bonnes racines peut vous condamner à mort.
[p124-125]
Mon présent, c'est cette camionnette qui roule sur une route déserte. Je me concentre sur Cedomil assis devant moi. C'est celui avec lequel j'ai le moins d'affinités. Cedomil aime la guerre et ne s'en cache pas. Il ne parle jamais de ce qu'il était avant, sans doute n'aurait-il rien d'intéressant à en dire, c'est la guerre qui lui a donné un rôle dans la société. La guerre qui lui a donné une raison d'être, elle l'a fait se sentir important pour la première fois de sa vie et il entend profiter au maximum de cette sensation. Petit, les bras épais, il parle en mangeant ses mots. Il ne fait rien d'autre que nous rappeler l'importance de notre mission et sa haine sans bornes pour les musulmans. Un parfait produit de la propagande.
[p74]
L'Histoire, celle avec un H majuscule, est pleine de héros et de monstres. Mais l'homme assis devant lui, qui écoutait la traduction dans son casque, n'appartenait à aucune des deux catégories : devant l'Histoire il avait choisi une troisième voie, une zone grise, et il avait spontanément décidé d' être là pour le raconter.
J'ai et nous avons condamné un homme à la prison pour une faute qui n'est pas la sienne, pour avoir décidé d'agir comme nous aurions agi si nous avions été à sa place. Qui d'entre nous aurait risqué sa vie pour discuter les ordres reçus de l'autorité, si insensés soient-ils?