Les Grecs anciens savaient pourtant parfaitement faire la différence entre Hubris, la violence incontrôlée des passions et Diké, le recours raisonné à une violence proportionnée. C'est même l'un des principaux enseignements du plus vieux récit épique du monde : la Guerre de Troie d'Homère.
Bien entendu, la vie est faite de compromis. Les philosophes athéniens voyaient en l'Homme un logon politikon, un esprit politique, fait pour vivre en collectivité, puisqu'en "dehors des murs de la Cité, il n'y a que des bêtes et des dieux" disait-on. Ce premier contrat social impose évidemment à chacun une grande tolérance à l'égard des autres […].
Au milieu d'une lâcheté collective travestie en vertu sociale, exagérer est devenu payant. "Plus c'est gros, plus ça passe".
Une société sous perfusion de tolérance à haute dose
Nous sommes anesthésiés par l'abus de compréhension, shootés à la mansuétude.
Au-delà de quel point du compromis nécessaire suis-je finalement en train de compromettre ma cohérence personnelle ?
Où se termine le compromis et où commence la lâcheté ?
Que faire et avec qui du temps qui nous est laissé ? Pour y faire face, pas de temps à perdre avec les faux semblants : il faut en permanence ajuster le tir entre des compromis nécessaires et des compromissions délétères.
On a poussé le raisonnement trop loin et il s'est retourné contre nous comme tous les discours sophistiques qui visent à endormir notre conscience et notre capacité d'indignation. Qui s''imagine que lorsqu'un provocateur humilie sa victime, il considère une seule seconde que la passivité de cette dernière cache en fait une grande force de caractère, une capacité de résistance à l'épreuve ?
D'ailleurs, on constate un paradoxe évident aujourd'hui entre l'hyper efficacité, la très grande professionnalisation des stratégies de conquête du pouvoir par les candidats et leurs partis et, par la suite, une fois la victoire acquise, l'impuissance tragique et un certain amateurisme dans la gestion du pouvoir par les élus et leurs gouvernements. On repense aux liaisons dangereuses et à cette fameuse réplique de Madame de Merteuil : "Conquérir est notre destin". Avouant ainsi en creux qu'à leur pouvoir de conquérir le cœur de leurs proies ne répond en silence que leur impuissance à savoir les aimer. Peut-être les politiques ne nous aiment pas assez et que progressivement nous nous en rendons compte. Attention aux amours déçues...