Tomber amoureux, c’est visiblement comme faire du vélo ou jouer aux petits chevaux : ça ne s’oublie pas.
Elle commanda un café à emporter,.....et lut les slogans affichés aux murs : “Cette filiale Starbucks ® a été construite avec des matériaux de la région.”.......À force de rester assise à cet endroit, elle n’en finissait plus de découvrir de nouvelles références aux produits régionaux, issus du commerce équitable, respectueux de l’environnement. Pourquoi ces gens ne pouvaient-ils pas se contenter de vendre leur café sans afficher toutes ces sottises....les gens qui riaient et bavardaient autour d’elle se sentent vraiment meilleurs à la lecture de ces panneaux ? Dans un monde regorgeant d’acier, de quatre-quatre, de voyages low cost et d’aides sociales amputées, une tasse de café leur offrait-elle le sentiment d’œuvrer pour l’écologie et la justice ?
.....jusque dans son quotidien, Anita était fréquemment confrontée à des cas où elle savait que le meilleur remède serait de prescrire de l’affection, des caresses et du temps pour soi.
Il n’y avait eu aucun déclencheur à sa rupture avec Adrian. Aucun faux pas, aucun déraillement. Cela dit, dans le trafic ferroviaire non plus, ce n’étaient pas les déraillements qui perturbaient le bon fonctionnement, mais plutôt les réparations trop nombreuses, trop longtemps repoussées, les systèmes de réchauffage des aiguillages mal entretenus, les câbles qui manquaient et les talus qui s’embrasaient.
–Heesters aussi. Il a fumé. Jusqu’à cent ans.
Anita ne le contredit pas. Chacun cherche des exemples justifiant son propre comportement.
À force de rester assise à cet endroit [Starbucks], elle n’en finissait plus de découvrir de nouvelles références aux produits régionaux, issus du commerce équitable, respectueux de l’environnement. Pourquoi ces gens ne pouvaient-ils pas se contenter de vendre leur café sans afficher toutes ces sottises ? En termes sociaux, plutôt que de se livrer à ce commerce des indulgences gnangnan, Starbucks ne ferait-il pas mieux de payer ses impôts ? (p 213)
On reconnaît les gens qui nous sont familiers à de minuscules détails. On entend quelqu’un tousser dans le couloir et on sait de qui il s’agit. On voit arriver la personne de loin et la reconnaît à sa démarche. On voit une main sur une photo et on sait à qui elle appartient.
Cela faisait désormais un an qu’elle vivait seule et les libertés qu’elle prenait depuis lui avaient souvent donné le sentiment d’avoir dix ans de moins. Mais à présent qu’elle avait bu sa première gorgée de vin en pleine journée, elle se sentit tout à coup plus vieille de dix ans. Comme une femme entre deux âges dont les enfants viendraient de quitter le foyer familial et qui se retrouverait seule avec le chien.
De toute façon à l’hôpital je porte une blouse. Ça fait partie des bons côtés du métier : on ne doit jamais réfléchir à ce qu’on va mettre.
Après le deuxième verre de vin la veille, elle s’était contentée de boire de l’eau et n’avait pas été saoule, ce qui l’aurait pourtant bien arrangée : elle aurait alors pu prétendre que le vin avait été à l’origine de tout ça. Mais ce n’était pas vrai, elle se souvenait de tout, des mots, des mains, des lèvres, néanmoins la soirée lui paraissait étrangement loin, à une distance nébuleuse.
Elle ferma les yeux et se concentra sur les douze nerfs crâniens. Quand elle n’allait pas bien, elle aimait se réciter des fragments du savoir emmagasiné pendant ses études, comme des prières ou des poèmes appris par cœur. Cela lui rappelait ses années d’études assidues dans des bibliothèques silencieuses, des années de calme et de prévisibilité : nerf olfactif, nerf optique, nerf oculomoteur, nerf trochléaire, nerf trijumeau, nerf abducens, nerf facial, nerf vestibulocochléaire, nerf glossopharyngien, nerf vague, nerf accessoire, nerf hypoglosse.