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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Pour une histoire de fantômes, la légende de Violet Saville Devohr était vague et pour le moins décevante."
(incipit)

Hmm... au début je me disais exactement la même chose.
La quatrième de couverture promet un "roman gothique", une saga familiale sur un siècle "qui entremêle art et amour", mais je dois avouer qu'à la fin de la première partie, je peinais encore pour trouver quoi que ce soit de positif. L'histoire me semblait quelconque - un typique petit roman "américain" sur les cachotteries et les relations compliquées, le style aussi (sans parler de la traduction parfois laborieuse qui vous fait relire la même phrase deux fois), et pour couronner le tout, je trouvais tous les personnages totalement antipathiques.
Mais rarement, très rarement, il m'arrive de tout reconsidérer et changer d'avis à la fin. Je crois que le moment est venu de remercier la masse critique et Les Escales pour ce livre, car si je ne m'étais pas engagée à faire cette chronique, je l'aurais probablement abandonné sans regret à la page 190. Et je serais privée d'un coup de bluff final et magistral de la part de Rebecca Makkai, qui n'est même pas venu sur les dernières pages, mais seulement le lendemain, à tête reposée.

Ce n'est pas le vieux portrait de Violet Devohr accroché au-dessus de la cheminée à Laurelfield qui fait de cette demeure un lieu hanté, même s'il met tout le monde mal à l'aise. Violet évite votre regard, tout comme elle évite de vous révéler la vérité sur son prétendu suicide quelque part dans cette maison, peu après sa construction en 1900. Les véritables fantômes sont faits des secrets de famille, vérités cachées et faux-semblants.
Le livre n'est pas particulièrement bien écrit, mais sa construction est ingénieuse : 1999, 1955, 1929, 1900... avec chaque nouveau pas dans l'histoire de Laurelfield, les boîtes à secrets s'ouvrent les unes après les autres, exactement comme des poupées russes mentionnées sur la quatrième de couverture. Ces retours sont de plus en plus courts, mais de plus en plus révélateurs, et la dernière partie vous renvoie directement "da Capo al Coda", comme on dit en musique, pour tout vérifier et boucler la boucle. "Laurelfield" est un peu comme "Sixième Sens" de Shyamalan, ou comme ces livres pour enfants, où il faut trouver une image cachée pour dévoiler la clé de l'énigme.

1999 : Zilla, surnommée Zee, et son mari Doug. Elle enseigne à la fac, lui peine sur une monographie d'un poète oublié, Edwin Parfitt. Ce même Parfitt qui a autrefois vécu à Laurelfield quand la maison hébergeait une colonie d'artistes, dans les années '20. Peut-être que le grenier cache encore quelques trésors qui pourraient faire avancer le travail de Doug, mais Grace, la mère de Zilla, y interdit tout accès. le grenier qui devient une obsession. Tout se complique encore avec l'arrivée du beau-frère de Zee avec sa femme Miriam, une artiste excentrique. Et dans tout ce beau monde, c'est comme si la maison avait choisi ceux qui doivent rester...
1955 : Grace et son premier mari George. Malheureux couple. Elle passe son temps dans le grenier à observer en cachette la vie dans le domaine, et les petits détails inquiétants, presque surnaturels... après tout, ne dit-on pas que tous les Devohr sont à moitié fous ? George est violent, et le seul point stable de Grace est l'intendant Max, qui s'occupe du domaine depuis des années. Mais même Max a ses secrets. Et d'où vient cette Amy, qui dit être la nièce de Max ?
1929 : La colonie d'artistes à Laurelfield : poète Parfitt, star de cinéma muet Marceline Horn, peintre Zilla Silverman, écrivains, sculpteurs, compositeurs... L'alcool coule à flot, en ces temps de prohibition, et l'inspiration devrait suivre. Mais une menace de fermeture plane. Comment la déjouer ? Sur le principe "dévore le Devohr, avant qu'il ne te dévore" ?
1900 : Souvenir de Violet, à la fois épilogue et prologue, qui semble dire encore une fois que la maison fait ses choix.

On a quelques belles révélations à la fin, doublées d'une leçon que parfois on interprète trop hâtivement les choses, mais un tas de questions reste sans réponse. Qui est Zee ? Amy ? Max ? Pourquoi Zilla porte le prénom d'une artiste que ses parents n'ont jamais connue ? Puis, d'un coup, vient le déclic... qui vous apporte d'autres révélations sur d'autres personnages : que ce soit Marceline, Sid Cole ou Edwin Parfitt.
Comme si toute une histoire non-écrite était tissée en filigrane dans l'écriture, et c'est précisément pour cette surprenante aptitude au tissage que Rebecca Makkai mérite, tout compte fait, presque 4/5.
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