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Critique de afriqueah


Comme la couverture grisée, floutée grise d'un paysage déserté, un homme seul, un fleuve, et un immense nuage noir menaçant : voilà le sujet du génial « le commandant ne dort pas ».
Gris, c'est le colonel, qui met mal à l'aise son nouveau chef, le général, ainsi que l'ordonnance béret rouge*, sous ses ordres, se tenant en retrait au garde á vous*, prisonnier de la peur que le colonel lui inspire : il l'assiste, or ce qui l'intéresse c'est de retrouver le monde d'avant, il pense à sa mère à ses lettres bleues raturées par la hiérarchie*, aux filles, sauf que dans ce pays qui sort d'une longue guerre la chute d' un Dictateur*, la paix est plus que compromise.
L'homme seul de la couverture, c'est donc le colonel qui vient d'être nommé, dans ce Nord ravagé par la pluie ( autour du Tigre probablement ) : bien qu'appartenant à l'ancien régime, c'est un agent indispensable un spécialiste*.
Le colonel est gris, il fait son travail de Reconquête, noble cause pour lutter contre l'Ennemi, empêcher qu'ils viennent violer vos femmes (égorger vos fils vos compagnes) ces terroristes, à qui il faut arracher- arracher, souligne Malfato-les secrets.
Par la torture.
Le colonel n'arrive cependant pas à dormir, même s'il aime torturer, surtout un ennemi qui le regarde sans haine et contre lequel il se déchaine.
Car le nuage noir ne va pas seulement déverser des pluies, il symbolise la conscience de ce colonel qui se voit devenir ombre, il ne peut occulter sa part d'ombre, une ombre qui pèse autant que le nuage noir, qui rend l'oubli impossible.
Comme Sisyphe, son destin de torturer le torture ; un lynx vient lui dévorer la poitrine, il meurt de faire mourir, dépecé à force de dépecer.

La descente dans les sous-sols est une descente en lui-même , ses martyrs deviennent chaque nuit ses bourreaux venant le hanter; la ville elle-même a « quelque chose d'éventré, les entrailles de la ville à l'air, la terre violée, dévastée, ici rien ne poussera plus, terre sans blé sans moissons. »
Comme il ne dort pas, il se pose des questions:

Aurai-je même servi une noble
cause
comme ils disaient
se rappellera-t-on de moi sur une
stèle.
Entrelaçant dans son livre les réflexions intimes du colonel qui ne dort pas et a le temps de penser à la mort qu'il a tellement donnée qu'elle en est devenue une amie une alliée , avec le récit « objectif », Emilienne Malfato entrelace de plus l'ironie ( l'envoyé de la Capitale pour régler la pluie qui tombe trouve la porte fermée « celle-là on ne la lui avait jamais faite, et il n'a pas signé pour être plombier, nom de Dieu) à une grande pudeur.
Une prouesse que cet enlisement dans le gris et l'ombre, « comme une déliquescence du monde et du temps, une lente décrépitude des choses et des êtres » nous soit livré, ainsi, brutalement, grâce à la force de l'écriture, une manière d'enchainer sans mettre de virgule ( que j'ai essayé de traduire voire mes *)
Et puis nous avons tous une part d'ombre :
« Peut-être sommes nous tous
hantés sans oser
le dire
en parler
chacun persuadé d'être une ile
un cas particulier. »
Un petit clin d'oeil à mes deux spécialistes : Onee et Idil.
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