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Critique de TINUSIA


Il était une fois. Il a été une fois, plutôt.

Gilgamesh.

Dont l'épopée fut écrite en trois mille quatre cents vers, et reprise un nombre incalculable de fois entre la fin du deuxième millénaire avant Jésus-Christ et 250 avant Jésus-Christ. Gilgamesh, peut-être dieu/peut-être homme, roi d'Uruk réputé pour son despotisme, personnage légendaire et mythologique.

Le propos de Myriam Mallié n'est pas de revisiter l'histoire de Gilgamesh dans un roman choral qui réunit au chevet du roi mourant, Sharnat – épouse, amante, prêtresse – et Sînleqe'unnennî – son fidèle scribe -. La chanson de Gilgamesh, Myriam Mallié l'a souventes fois contée. Elle porte ici un regard intime sur les trois protagonistes de son récit, sur leurs relations à eux-mêmes et entre eux. La mort proche oblige au retour à soi.

Sînleqe'unnennî va prendre la parole le premier et donner le ton au sujet de l'ouvrage : une longue réflexion sur la mort, l'amour, la vie. Ce sont trois monologues qui alternent, les voix de trois chants intérieurs qui se succèdent. « Je suis le scribe du roi. Moi qui aime passionnément écrire, je suis vide de mots », pense Sînleqe'unnennî en observant son souverain que la vie quitte lentement. Il regarde aussi Shamat qui assiste Gilgamesh dans ses derniers moments. Et il médite sur la vie de l'une, de l'autre et des deux, ensemble.

Shamat se penche sur sa propre vie : sa vie aux côtés de Gilgamesh. Et lorsqu'il est parti à la quête de l'immortalité, après la disparition d'Endiku, son double, son frère, son ami, sa vie loin de Gilgamesh. Il y est question ici de l'absence, du deuil, de la solitude. « La vie est une succession de départs. Tous intolérables. La résistance du coeur est incalculable ».

Gilgamesh se meurt, lui, l'être qui cherchait le secret d'une vie sans fin. Il revoit son parcours, ses excès, son orgueil, son outrecuidance. « Ma marche était rageuse. Mes pieds frappaient durement le sol. […] Je marchais avec une exaltation pleine de colère et de ressentiment ».

Trois soliloques.

Qui mènent à l'unisson aux mêmes questionnements.

En filigrane, le mystère des mots : la parole, l'écriture.

« Et moi, simple scribe, qui m'a donné ce pouvoir d'écrire les signes de la parole ? »

« Les animaux ont des langages, l'homme a la parole. L'homme est la forme qu'a choisie la parole pour exister »

« L'écriture est au dehors de nous. La parole est dedans »

« Les mots indociles, vivants, débordants, inutiles, je les écartais comme des mouches d'une main agacée. Mon ventre, et mes mains décidaient de mes actions et de mes choix. Pas les mots »

« L'écriture est un apprivoisement, une lutte parfois sauvage pour la tenir là, au plus près de soi »

Sînleqe'unnennî, le scribe, apprendra à Shamat, la prêtresse veuve, à graver les tablettes pour [qu'elle voit sa] douleur en quelque sorte sortir [d'elle] prendre chair ailleurs que dans [sa] chair. Sînleqe'unnennî transcrira la geste de son roi, glorifiera ses hauts faits, insculpera sa géhenne.

Sînleqe'unnennî qui sait que « la vie ne sert qu'à une chose : apprendre à perdre, à accepter ».

Une oeuvre qui donne à méditer sur les grandes questions de l'humanité, a écrit François Emmanuel, écrivain concitoyen de Myriam Mallié.
Lien : http://litterauteurs.canalbl..
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