AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PhilippeCastellain


Malraux. Personnage ambivalent s'il en est. Figure de l'anti-fascisme, combattant au côté des Républicains pendant la guerre d'Espagne, ministre de la culture sous De Gaulle… Mais aussi voleur et trafiquant d'antiquités khmers, auteur d'exploits totalement imaginaires contre les franquistes, et résistant de la dernière heure ayant réussi à obtenir un grade de colonel dans l'armée française libre sur un total coup de bluff et sans la moindre compétence militaire.

Une dualité qu'on retrouve en permanence dans son oeuvre emblématique. Derrière le combattant de la liberté, l'escroc mythomane n'est jamais loin. Se voulant Kyo, il se sait parfaitement être un Clappique. Ces deux-là sont les seuls vraiment complexes – autobiographiques ? Les autres personnages restent des symboles, dont la personnalité se résume grosso modo en un seul trait : May, la vie ; Tchen, la mort ; Katow, la générosité ; Ferral, le pouvoir et l'argent.

Et une dualité qu'on retrouve jusque dans l'écriture. Des passages sublimes en côtoient d'autres écrits façon sagouin. Les combats pendant la révolution sont racontés avec moins de soins que le saccage de la chambre de sa maîtresse par Ferral. Et de même dans l'histoire : un instant se pose la question de l'engagement alors que Tchen hésite à donner la mort, celui d'après May demande à Kyo si ça ne le dérange pas qu'elle ait couché avec un autre gars « parce que bon, le pauvre, il en avait tellement envie ». Elle, elle faisait ça seulement pour rendre service.

Les thèmes abordés – l'orient côté « opium et misère », la fin prochaine du colonialisme, le sens de l'engagement révolutionnaire – révèlent des fulgurances de lucidité étonnantes. Pour autant, il échoue à anticiper une possible renaissance du communisme dans les campagnes, et la Chine fait souvent simplement office de décor.

C'est aussi cette complexité qui fait la grandeur du roman. Loin de la puissance écrasante et de l'intransigeance totale d'un Bernanos, on a affaire à des êtres insignifiants se débattant dans la vie avec leurs petites luttes et leurs petits mensonges, tentant de les transcender par la lutte pour une cause supérieure… Comme l'auteur.

En somme, il ne me reste qu'une question, à laquelle plus compétent que moi répondra : Malraux fut-il un imposteur également en littérature – où ce mot a plus d'un sens ?
Commenter  J’apprécie          442



Ont apprécié cette critique (40)voir plus




{* *}