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Critique de florigny


Comme tout salarié après une décennie de travail routinier, Martin Terrier aspire au changement et veut réaliser enfin son plan de vie, réfléchi de longue date. D'abord il démissionne de son job de tueur à gages ; ensuite il plaque Alex sa compagne, en négociant la garde de Soudan, leur chat. Puis, il ne lui reste plus qu'à aller, la bouche en coeur, demander à Félix avec qui elle est mariée, de lui rendre Anne, son amour de jeunesse à qui le tueur naïf a demandé de l'attendre 10 ans. Martin projette de profiter avec elle de son capital, de s'installer dans un pays assez primitif, un bon climat, une monnaie faible, des rapports de gentillesse entre les gens. Peut-être Ceylan parce que ça ne risque pas de péter comme en Afrique ou en Amérique du Sud. Encore que, avec les Tamouls, sait-on jamais, même s'ils ne peuvent pas être plus dangereux que les touristes.


A partir de là, tout part en vrille. Lorsqu'il vient récupérer son chat, Martin trouve un mot d'Alex : «Je garde Soudan, crève ! », Anne n'a pas bien saisi qu'elle devait l'attendre durant 10 ans, mais surtout, son boss, Mr Cox, n'est pas vraiment d'accord pour lui rendre sa liberté. Et des méthodes pour obliger Martin à changer d'avis, il en connait Mr Cox... Au lieu de découvrir Ceylan, Martin découvre la forêt du Tronçais où il est sommé de préparer un attentat contre une huile pétrolière de l'Opep sur les Champs-Elysées.


Dans ce roman considéré par ses exégètes comme son chef-d'oeuvre, Jean-Patrick Manchette élève au rang d'un art ses théories littéraires en dynamitant toute la mythologie de la « grande » littérature : pas de héros romantique, pas d'histoire profonde, pas de psychologie, les descriptions sont plates : «la décharge publique comportait un panneau qui disait : Décharge interdite ». Ses personnages agissent, foncent en SM, Pallas, Ds, écoutent du jazz en buvant sec ; ils connaissent le maniement des M 16, Uzi, Colt Special Agent, CZ, Savage, Valmet, S & W avec lesquels ils font dans le dos de leurs cibles des trous grands comme des tomates ; leur philosophie est rudimentaire : « Entre le néant et le chagrin, j'aime mieux le lard » ; absurdes leurs noms de code en opération, comme « poisson rouge ». Il y a également dans ce roman des morceaux d'anthologie : Martin Terrier lisant le Chasseur français, ou instantanément aphone à la suite du choc psychologique causé par la vision d'Anne le trompant, ou encore amant pressé pour ne pas dire précoce.


Mais Jean-Patrick Manchette n'oublie jamais que la lutte des classes est toujours d'actualité, que ce sont les mensonges institutionnels qui maintiennent l'ordre social, comme le prouve l'épilogue du roman où l'on découvre l'ampleur des manipulations dont sont capables les Etats. A l'issue de cette seconde lecture, je reste pour la seconde fois, perplexe à propos du titre. Certes, La position du tireur couché a été enseignée à Martin dans une école spécialisée du KGB à Odessa puis dans des camps palestiniens et auprès de la DGI cubaine. C'est celle qu'il a choisie pour abattre le dignitaire de l'Opep. Mais le tireur n'est-il pas couché parce qu'il a été brisé, manipulé, abattu, symboliquement ou pas ?
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