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Critique de nescio667


De souvenir de Suédois, personne n'avait jamais vu un tel massacre. Dix-neuf personnes, principalement des vieillards, assassinées à l'arme blanche, certaines découpées avec une cruauté inouïe. Toutes habitaient le même petit village de Hesjovallen, dans le nord de la Suède, et toutes ont été assassinées durant la même nuit. L'enquête est confiée à Vivi Sundberg, inspectrice dans la proche ville de Hudiksvall. Comme souvent chez Mankell, l'originalité du crime qu'ils sont amenés à résoudre semble tétaniser des policiers qui, pour ne rien arranger, ne disposent pas du moindre début de piste. Vivi Sundberg, célibataire, la quarantaine bien enveloppée, est une policière de terrain, elle a accumulé pas mal d'expérience tout au long de sa carrière et son obstination à découvrir la clé de cette incroyable affaire n'a d'égale que sa détermination à ne pas la voir lui échapper pour être confiée à des policiers venus d'ailleurs. Car, hormis un ou plusieurs hommes mus par une incompréhensible folie, qui peut bien vouloir décimer à la machette tout un village suédois peuplé de paisibles retraités? S'il est quelqu'un qui doute de la thèse du ou des tueurs fous, c'est Birgitta Roslin, juge à Helsingborg. En congé de maladie, elle se rend à Hesjovallen pour mener sa propre enquête -les parents adoptifs de sa propre mère figurent parmi les victimes- et découvre un indice la menant à un restaurant chinois de Hudiksvall. Sans manquer de s'attirer les foudres de Vivi Sundberg, Roslin va mettre au jour une tout autre histoire que celle que les médias relaient à l'envi, et qui arrange sans doute trop bien les autorités, pressées de voir tomber l'affaire dans les oubliettes.

Au départ d'un crime hors-norme, c'est à une incursion dans des domaines historiques et géo-politiques tous liés au thème de la colonisation et de l'esclavage que nous entraine cette fois Henning Mankell. En nous contant, dans une longue et passionnante digression au milieu de l'enquête policière, le périple de trois frères chinois obligés, à la fin du 19ème siècle, de quitter leur pays, il nous brosse un tableau tout sauf idyllique de la construction de la ligne de chemin de fer reliant l'est à l'ouest des Etats-Unis, chantier durant lequel des centaines d'esclaves chinois et noirs furent traités comme du bétail. En rebondissant ensuite, dans une aussi longue mais beaucoup plus lourde seconde digression, sur le parcours actuel d'un homme d'affaire chinois, l'auteur aborde l'extension de l'influence de la Chine, en pointant ce qui semble bien être une nouvelle ère de colonisation de certains pays d'Afrique. Effrayés par le désir de plus en plus incontrôlable de milliers de paysans chinois de profiter pleinement des bienfaits du capitalisme, une partie de la classe dirigeante du pays envisage clairement d'envoyer quelques-uns de ces paysans en Afrique afin d'y trouver espace, travail et donc sources de revenus. Mais tous au Parti ne sont pas de cet avis et c'est ce combat entre pro- et anti-colonisation que Mankell nous propose de suivre, nous entraînant de réunions de membres éminents du Parti en voyages d'affaires au Zimbabwe. Cette partie-là du récit, qui n'est pas inintéressante, mais qui se révèle trop longue, trop démonstrative et trop répétitive, alourdit considérablement l'ensemble, et fait tomber le rythme de lecture à celui d'un essai tout en plombant considérablement le suspense au point que la conclusion de l'affaire de Hesjovallen nous paraît trop attendue, trop prévisible et sans saveur. C'est d'autant plus enrageant que tout, du début fracassant dans le village suédois à la fin du périple des trois frères, se révélait parfaitement mené, mystérieux et glaçant à souhait. A trop vouloir pointer les dérives du capitalisme qui l'indignent –à raison d'ailleurs- Mankell semble en avoir oublié son lecteur qui, s'il n'est pas réticent aux à-cotés instructifs, n'a pas besoin qu'on lui répète la même chose au long d'une centaine de pages pour capter le message. Un très bon écrivain ne fait hélas pas nécessairement un très bon pédagogue.
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