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Critique de Allantvers


La magie de cette montagne est un envoûtement rare dans une vie de lecteur : une fois que l'on en a réussi l'ascension, on n'en redescend pas.

"La montagne magique" est l'une de ces oeuvres face auxquelles il faut lâcher prise et se laisser porter, et donc les rencontrer au bon moment. Autant ma première tentative m'avait rendue complètement neurasthénique au point d'abandonner très vite le sanatorium de Berghof, autant cette fois-ci ai-je eu, à la faveur de l'hiver et de languissantes plages de temps disponibles, une envie irrépressible de me couler dans le personnage de Hans Castorp, m'étendre sur le balcon de sa chambre enveloppée de couvertures, un thermomètre dans la bouche, ne plus bouger, ne plus entendre les bruits du monde, et voir passer les cadavres sur la piste de bobsleigh…

C'est fort de ces sensations vaguement glauques mais voluptueuses que La montagne magique se déguste à petites goulées d'air tantôt pur tantôt vicié, et que peu à peu on se détache du monde d'en bas, lointain, agité et vain, si proche du nôtre d'un début de siècle à l'autre. Et là, en haut, où le temps non mesurable s'étire sans fin, où la mort est acceptée et regardée en face, on suit le chemin initiatique de Hans, « frêle enfant de la vie » qui va accueillir la maladie, apprendre la vie, boire les paroles de maîtres de rencontre, le sémillant Settembrini et le ténébreux Naphta qui dans leurs échanges virtuoses vont l'éclairer sur l'âme, la morale, le sens élevé de la politique et de la religion, pour qu'enfin il trouve dans la neige son homo dei et découvre l'amour.

Impossible de parler de toutes les scènes et visions qui m'ont subjuguée dans ce livre : les cadavres descendus dans la vallée en bobsleigh déjà évoqués, le rêve de Hans perdu dans la neige, l'atmosphère orgiaque et délétère des repas, la contemplation de la radiographie, la soirée de carnaval, la nuit qui tombe sur la montagne, le printemps qui refleurit ses pans, l'appel occulte au frère mort, le chant sous les obus, des images, des sensations et des idées si nombreuses qu'elles bouillonnent et saturent littéralement mon champ de conscience.
Autant dire que ce grand roman est une somme littéraire et philosophique phénoménale, un faisceau de métaphores fascinantes qui dépasse de très loin ma minuscule personne mais qui va m'accompagner jusqu'à la fin de mes jours.

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