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Critique de Daniel_Sandner


Retour de lecture sur "Quand les lumières s'éteignent" de Erika Mann. Ce livre qui traite de la période d'avant guerre et de la montée du nazisme a été écrit par la fille du nobelisé Thomas Mann, l'auteur de la montagne magique, mon roman préféré. J'avais donc particulièrement hâte de découvrir cette plume. Basé sur des situations réelles provenant de témoignages qu'elle a rassemblés, il a été publié aux États-Unis en 1940, pays où elle s'est installée en 1938 pour fuir le régime nazi, après être passée par la Suisse où étaient déjà réfugiés ses parents. C'est un livre vraiment remarquable, il constitue l'un des plus efficaces et intelligents réquisitoires contre le national socialisme. Ce sont 10 nouvelles entrelacées, avec des personnages qui se retrouvent, qui dressent le portrait d'une petite ville de Bavière en 1938-39, alors qu'elle est sous la domination nazie. Ces nouvelles décrivent des destins individuels pris dans l'engrenage du totalitarisme. On est là dans un univers très proche de 1984, sauf que ce livre n'est pas de la science-fiction et décrit une situation qui a bien eu lieu. Il contredit cette idée fausse consistant à croire que Hitler a redressé ce pays pour en faire le plus moderne d'Europe. En fait tout cet ordre nouveau, cette économie en surrégime, n'avait qu'une vocation, construire l'armée la plus puissante du monde, sans aucun bénéfice pour la population, sauf celui d'avoir du travail, et au prix d'énormes sacrifices. A l'entrée en guerre en 1939, beaucoup de matières premières et de denrées alimentaires de base manquaient déjà pour la population, c'était un pays en recul dans de nombreux domaines, sauf dans l'armement, qui s'est lancé à la conquête de l'Europe. Ce livre montre bien, en détaillant parfaitement les mécanismes, comment un système totalitaire arrive à gangrèner progressivement toutes les strates d'une société, tous les domaines y compris intellectuels, culturels et scientifiques. Il détaille avec précision les conséquences catastrophiques de l'ingérence de la politique dans tous les domaines de la vie allemande. Ce que nous montre Erika Mann est dramatique, et on voit une population perdre progressivement toute liberté d'action, de pensée, pour se laisser endormir par un système politique totalitaire, le national socialisme, qui promet d'oeuvrer que pour son bien, de ne penser qu'au développement du pays. Les passages traitant notamment de la justice ou de la médecine sont particulièrement édifiants. Dans un cas on nous explique comment doit fonctionner la justice dans un pays où justement la notion de justice n'existe plus, dans l'autre cas comment les critères qui définissent un bon Allemand, comme la condition physique et les origines aryennes, prennent le pas sur ceux qui définissent un bon médecin, ses connaissances, pour aboutir à une baisse drastique du niveau globale de la médecine dans le pays. L'écriture d'Erika Mann est très particulière, il y a une douce et fausse naïveté, un peu comme dans le Candide de Voltaire, dans la manière de montrer le contexte de l'époque. Ce n'est pas une attaque ou une dénonciation frontale, mais elle nous explique cela à travers le quotidien de ces Allemands qui, bien que plutôt sceptiques par rapport aux discours officiels, se sont laissés endormir, et ne mesurèrent que bien trop tard les conséquences de leur inaction, de leur naïveté, une fois que le pays fut engagé dans une spirale apocalyptique. C'est une démonstration par des exemples. Ce livre est tout simplement exceptionnel justement par l'authenticité de ces exemples qui sont des transpositions de faits réels. Un livre incontournable, que tout le monde en âge de voter, devrait avoir lu.

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"La vie l'avait contraint à penser d'une autre manière. Pour la première fois, il était confronté au concept collectif du « nous ». Avais-je jamais auparavant utilisé un autre pronom que « je », toujours « je » ? Trop tard, pensa-t-il. Mon diagnostic, vient trop tard."
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