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Critique de florigny


Qui pourra jamais comprendre l'Islande et les Islandais et leur indestructible résistance aux éléments ? de la nature comme de la vie. Après avoir lu Krummavisur, je peux affirmer que son auteur Ian Manook possède de nombreux éléments de réponse à cette question. Auteur français polymorphe un temps délocalisé en Mongolie, il déménage ses intrigues dans cette « pétaudière où l'on vit nez au vent et pieds dans la braise », dans ce pays de lave et de courants marins, de feu et de glace. Je précise d'emblée qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu les précédentes aventures réfrigérées de son pire meilleur flic – Kornelius Jakobsson - pour apprécier Krummavisur. C'est sans doute un plus sans être un pré-requis.


Grand voyageur, l'auteur connaît intimement - dans sa vie contemporaine et son Histoire-, l'Islande ; certains détails qu'on ne peut pas trouver même dans le meilleur guide touristique ont le goût irremplaçable du vécu, et j'ai beaucoup aimé son regard affectueux sur ces terres médiocres où ont échoué un jour avant de faire souche, tanneurs et tisseurs, mineurs de sel et de sulfate, pêcheurs, marins et armateurs. Depuis, mondialisation oblige, l'Islande devient de plus en plus un vaste disneyland touristique.


Krammavisur est riche de plusieurs intrigues, qui au départ, ne semblent avoir rien à faire les unes avec les autres, et couvre un large spectre : historique, géo-politique, géologique, sociétal, le tout bien enveloppé dans les particularismes de l'insularité. Qu'est-ce qu'un député « presque » pédophile a à voir avec des cadavres congelés dans un iceberg, ou un avion sorti des radars il y a des décennies ? Ian Manook insiste à juste titre sur la position stratégique de l'Islande, plantée au milieu de l'Atlantique nord, tantôt base avancée de l'Otan, tantôt base de repli de l'US army, mais toujours sous l'oeil colonisateur du Danemark. Les bruits de bottes actuels pourraient attiser de nouvelles convoitises. Dans Krammavisur, il y a : du récit d'actions menées par les renseignements militaires, des soupçons d'éliminations de nationalistes groenlandais, des secrets d'Etat du gouvernement américain, des personnalités politiques corrompues, des accidents inexpliqués, des disparitions... de quoi satisfaire le plus exigeant lecteur.


Et puis à côté de ces intérêts mondiaux exacerbés par le réchauffement climatique révélateur, il y a le peuple islandais qui en dépit du climat extrême n'a pas froid aux yeux, capable d'avoir installé juste en face de la maison du gouvernement, dans d'anciennes toilettes publiques, un Musée punk, peu éloigné du Musée du phallus où l'on peut admirer l'organe de 46 espèces animales et de quelques humains - que je vous laisse découvrir - et qui ne peuvent rivaliser avec celui d'une baleine, long d'un mètre soixante-dix.


Bref, Krummavisur est un roman dans lequel toute l'affection de Ian Manook pour l'Islande transpire à chaque page ; au rythme bien frappé ; à l'intrigue bien équilibrée entre ses différentes composantes ; dont les personnages sont consistants - avec une mention spéciale pour Ari qui égrène dans toutes les circonstances les sept cent trente-quatre dictons légués par son grand-père -. Pour conclure, je note cette coquetterie littéraire qui consiste à utiliser les derniers mots d'un chapitre en guise de titre, et quelques néologismes amusants : être passoirisé par un tueur, ou chourouper un thé ou café.


Seul reproche : lorsqu'il décrit la chambre d'une gamine de 15 ans tapissée de posters de groupes islandais - Reykjavikurdaetur et Solstafir, Sigga, Betta Og Elin -, Ian Manook n'évoque pas Björk. Bon, nobody's perfect, je lui pardonne cette impardonnable omission.


Merci à Babelio et Flammarion pour leur confiance. Sortie en librairie le 03.04.24
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