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Critique de PhilippeCastellain


La nouvelle est un genre littéraire très à part. Il faut beaucoup de talent pour, en quelques pages, mettre en place les personnages, une intrigue, un dénouement, et embarquer dans tout cela ses lecteurs. Et on dit que personne n'était plus doué pour cela que Katherine Mansfield, cette douce néo-zélandaise morte à 38 ans, et la seule personne au monde dont les talents littéraires inspirèrent de la jalousie à Virginia Woolf.

Et il faut reconnaitre son incroyable talent pour nous jeter dans la peau d'une personne précise, en un instant précis ; nous faire ressentir intensément les émotions qui l'animent – et parfois la broient -puis nous planter là avec la frustration de l'abandon, et pourtant un sentiment d'accomplissement, car dans cette vie un noeud du destin vient brutalement de se nouer ou de se dénouer. Chacun de ces courts récits est comme la mince corolle d'un verre à vin qu'une main enserre fermement et serre fort, de plus en fort jusqu'à ce que… Mais les mots s'arrêtent à chaque fois à cet instant précis, laissant à notre esprit imaginer, en une fraction de seconde semblant durer cent ans, l'éclatement de fragments de verres, la main tailladée, le vin mêlé de sang inondant le sol...

Les récits se placent en majorité dans la bonne société anglaise de l'entre-deux-guerres, mais aussi parmi des personnes très modestes, et plusieurs sont également consacrés à des domestiques – et ce sont probablement les plus poignants. Symboliquement, la nouvelle qui donne son nom au recueil attaque d'ailleurs frontalement la question des frontières entre classes sociales. Faut-il annuler la garden-party, renvoyer les musiciens, décommander les invités et gâcher le buffer du traiteur, tout cela parce que, de l'autre côté de la rue, dans les petites maisons si laides et si salles, un malheureux s'est fracassé la tête en tombant de sa charrette et qu'il laisse une veuve et six orphelins ? le simple fait que l'une des organisatrices se pose la question parait incongru à tout le reste de sa famille.

Une extraordinaire empathie émane de chacun de ses textes, révélant une personne dont les qualités humaines devaient être immenses. On aurait voulu l'avoir comme amie. Et on voudrait que Katherine Mansfield soit lue dans les lycées.
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