Citations sur Ma vie dans les monts (102)
Le murmure de l'eau, dans le silence, se renouvelle à chaque instant, sans fin.
Dans cette connaissance par l'immédiat, rien ne s'interpose. Tout coïncide, tout s'accorde à l'ordinaire. C'est comme sortir de chez soi et voir les nuages flottant dans le ciel. On sait alors que toute philosophie constituée est dérisoire. On prend son bâton, et l'on va tranquille sur les chemins du monde.
Au cours de l'hiver de l'année prochaine, en brûlant ce bois de chauffage, sans y penser je saurai d'où il vient, et cela sera bon pour moi en ma solitude.
Face à cette petite cascade qui descend de ce mont anonyme, une réciproque appartenance devient sensible, dont la valeur excède ce qu'en perçoit d'ordinaire le sens commun.
Je me souviens alors du choix de cultiver la noblesse d'âme près des forêts de sapins. Sachant pertinemment que rien ne me sera donné de plus que cette transparence de l'air, cette odeur de résine. Cette poésie vitale.
Le houx, comme le buis et l'if, sont des arbres dont la présence relie à des traditions ancestrales. A les voir dans la froidure, on comprend l'espoir qu'ils portent d'une préservation de la vie, d'une résurrection de la nature au-delà de l'hiver.
Quand un bloc de rocher se détache de la montagne et tombe en dévastant les bois, qui pense à quoi? Le fracas n'altère pas ce grand silence qui était avant, ce grand silence immuable.
Ecrire, ce n'est pas s'asseoir devant une feuille blanche. C'est dessoucher, débroussailler la terre de l'esprit, amender, sarcler, attendre les pluies et la bonne lune. C'est alors que tout se fait de soi-même, comme une fermentation.
Quand j'étais cet enfant au bord des ruisseaux, la nature m'était un refuge sacré, me préservant des complications incompréhensibles du monde, pour ne pas dire de la famille, hélas! j'ai retrouvé dans les monts la paix des évidences.
Dans mon idée de l'architecture, pétrie de pensée chinoise, j'inclus un art des jardins qui suppose des siècles de peinture, de poésie et de philosophie.