Sweet summer, tome 3 : Valentin

Je tressaute et me tourne vers lui.
Vers ce merveilleux visage qui me fait face.
Vers ces yeux pétillants de sensualité.
Vers ces lèvres que des dents mordillent nerveusement.
Vers ce sourire timide qu’il me tend.
Vers cet homme pétri d’appréhension, presque plus que moi.
Vers celui qui me fait ressentir tellement de choses et qui me malmène les sens sans même s’en apercevoir un instant.

Parfois, on croit se connaître, savoir ce que l’on veut et ce qui nous convient. Mais la réalité se fout de notre tronche, prend les cartes qu’on garde dans son jeu depuis des années, et mélange tout…

Oui, ce mec est tout à fait mon genre. Il a le look que j’adore et qui m’attire. Celui, typique, des hommes sans limite ni barrière, prêts à parcourir le monde sur un coup de tête, juchés sur une moto, en criant : « merde ! » au monde et à ses convenances.

Je fais face à un homme, une femme et un chien… la routine, normalement… Sauf que non, absolument rien à voir avec la routine ! Le spectacle est à tomber… Je crois n’avoir jamais vu quelqu’un d’aussi… beau… Et je ne parle pas de la femme. Ni du chien. Non. L’élément troublant, celui qui sans le vouloir fait que ma voix se barre et que mon esprit stoppe net toute activité, c’est un homme. Un homme dont le premier abord me frappe en pleine tête, avec pas moins de force qu’une lame de fond en pleine tempête. Je perds mon Nord, mon Sud, le bas, le haut et tout le reste aussi, juste en restant face à lui. Mes yeux n’ont de cesse de l’examiner, sans que je ne puisse arrêter ce massacre. Totalement dirigé par je ne sais quel instinct, je n’ai d’autre choix que de l’observer, encore et encore, comme si plus rien d’autre n’existait. Manu qui se barre, Joséphine qui chiale, Satan qui m’attend avec Démonia dans mon bureau, les chiens, les chats, ce cabinet et toute la planète… Rien n’a plus d’importance en cet instant précis. Donc je me soumets, avec délectation, à cet examen minutieux du responsable de mon grillage de fusible intempestif.

— Merci. Je vais devoir te laisser, je suis à la bourre et je dois montrer les préparations petits-déjeuners à Lucas et… bref, je dois raccrocher. Mais je reste dispo au besoin. Et pour ton mec…

— Ce n’est pas mon mec. Je n’ai même pas réellement envie de le voir. Je vais envoyer Méline pour les vaccins de Truc ce matin, je crois.

— Fais comme tu le sens. Mais essaye de dormir, Val. Ça sert aussi à ça, les vacances.

— Oui. Je suis nase.

— OK. Et pour ton mec, qui n’est pas ton mec… Si j’ai un conseil à te donner… Tu as posé les bases et ta vision des choses. Tiens-toi à ça et ne laisse personne t’imposer quoi que ce soit. Maintenant, c’est lui qui a les cartes en main… À lui de prouver qu’il vaut le coup. Toi, nous le savons déjà, tu vaux grave le détour. Et il le sait aussi, puisqu’il n’a pas pu résister… C’est à lui de jouer, mais selon tes règles à toi. On est d’accord ?

Je souris, comme s’il était en face de moi, en gratouillant le cou de Truc, qui s’étale telle une diva, allongé sur le dos en gémissant de bonheur.

— Oui. Très bonne idée. On va le laisser venir. S'il revient.

— Valentin… Tu vas me faire crever ! Autorise-moi…

C’est compliqué de lui faire savoir ce qui me tiraille les tripes, de faire les premiers gestes alors que je ne les connais pas, mais mon corps est dans un tel état que je passe outre… Tant pis si je me montre gauche. J’imagine que le désir, pour un homme comme pour une femme, suffit à guider les gestes et qu’il ne peut en résulter que du bon. Je passe une main sur la bosse significative entre ses jambes.

— Tu en as envie…

Et moi donc… Ce renflement sous mes doigts me fait des effets déments, déconnecte le peu de sagesse qui s’agrippait encore à mon esprit pour m’enjoindre à donner libre cours à mes pulsions.

J’agrippe ses joues et l’embrasse, le remerciant de rendre ce moment agréable et supportable. Ses yeux me couvent avec adoration et tendresse. Et ça, j’y suis plus que réceptif.

Puis, il se redresse, constatant les « dégâts » sur lui, mais surtout sur moi, vu qu’il vient littéralement de s’essuyer sur mon t-shirt.

— Oups ! Merde !

J’éclate de rire devant son air bête. Il reporte ses yeux sur moi en souriant, ses mains caressant mes cheveux.

— Tu es tellement beau quand tu ris…

Je m’interromps en réalisant qu’effectivement, je ris. Je suis heureux. Beaucoup plus que je ne l’aurais imaginé en plongeant ma main dans son short.

Je prends conscience de la raison principale pour laquelle j’ai vendu mon corps tellement de fois, pour laquelle j’ai tenté d’oublier en injectant toute sorte de substances dans mon corps, pour laquelle je me suis accroché à ce mac qui m’exploitait sans vergogne contre un peu de chaleur et de pseudo stabilité.

Cette raison, elle est simple et claire. La solitude. Le rejet. L’abandon. La peur de ne compter pour personne. L’angoisse de ne jamais rien être d’autre que cette silhouette qu’on croise et qu’on oublie aussitôt. Cette ombre dont tout le monde se fout, parce qu’elle ne représente rien.

Tout ça, Dorian avait réussi à le combattre. Mais il vient de lâcher les armes et de déclarer forfait. Et tout me revient en pleine face, comme avant. Je n’ai pas avancé, en fait. Je suis toujours cette petite pute qui demande l’attention qu’on veut bien lui donner, prêt à en payer le prix s’il le faut.