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Critique de fulmar


Il était un spacieux jardin,
C'est à l'Ouest du Cotentin,
Adossé à une prairie,
Il s'appelle la Maubrairie.
C'est là-bas que l'on rend hommage
Au « lieu fourré » qu'est le bocage.
Les prés sont verts, la vie est douce,
Chut ! Ecoutez ! Silence, ça pousse !

Un grand merci à Babelio et aux éditions Tana pour l'envoi de ce livre somptueux. Il est imprimé en France à base d'encres végétales, sur du papier non glacé aux photos mates, avec une couverture non plastifiée. Un rendu qui fait penser aux brumes matinales normandes, fraîcheur et douceur assurées.

N'y allons pas par quatre chemins, un seul mène au refuge de Stéphane Marie, l'animateur de la célèbre émission sur les jardins.
Ancien scénographe de théâtre, il a su appliquer ses connaissances apprises aux Beaux-Arts sur le terrain de son enfance, en aménageant l'ancienne ferme familiale où habite toujours sa mère. C'est dans cet endroit magique, également lieu de tournage, qu'il explique ses plantations et les aménagements qu'il a effectués sur place.

Ce livre, c'est trente ans d'expérimentations, faites au fil des saisons en observant le cadre naturel environnant.
Ce livre, ce n'est pas un catalogue des plantes présentes, avec des photos tape à l'oeil des plus belles variétés.
Ce livre, c'est un récit qui se lit comme un roman, une véritable aventure littéraire à la découverte des particularités du bocage du Cotentin.
Ce livre, ce n'est pas une mise en évidence des talents du maître des lieux, avec des explications érudites sur le choix des compositions.
Ce livre, c'est un long cheminement dans l'espace et le temps, une lente insertion dans le paysage en se délectant des richesses du terroir.

L'auteur montre comment surgissent les idées et comment il modèle le scenario créé dans sa tête. L'aboutissement de cette oeuvre se traduit par une succession de trois jardins, appelés poétiquement jardins du matin, de l'après-midi et du soir.
Il est parti de l'ancien potager et d'une ruine existante pour concevoir les différentes scènes qui se déroulent au fil d'une pièce en trois actes, une sorte de retour aux sources du théâtre.
L'importance de la conservation du bocage est souligné par les petites ouvertures sur les alentours, pour bien montrer que cet espace n'est pas une entité anachronique et posée là par hasard, mais un enchevêtrement réfléchi et maîtrisé, inspiré par l'expérience des paysans du cru.
Clos, chasses, limes, cotentines, autant de termes locaux qui montrent l'intérêt du savoir ancestral, bien avant le remembrement destructeur du paysage et de la vie dans les prairies sous les pommiers.
Raconté à la première personne, le « je » accentue la réalité du récit tout en lui conférant un esprit fantasmagorique qui se révèle enchanteur.
L'ajout de paragraphes consacrés à la relation entre le jardinage et la météorologie – les vents, les nuages – montrent bien que ce lieu se vit au fil des saisons.
Le jardinier paysagiste a su jouer avec les formes et les contrastes en associant des arbres, arbustes et plantes exotiques aux espèces indigènes.
Un paysage jardiné qui n'est autre que la définition du bocage.
Juste un petit bémol dans cette excellence, l'absence d'un plan qui aurait permis d'avoir une vue d'ensemble. Mais je ne suis pas loin de penser que c'est volontaire, faire fonctionner l'imagination et la mémoire plutôt que le GPS !
Une mention particulière à la photographe Pascaline Noack, qui a subtilement saisi l'atmosphère qui se dégage de ce jardin inédit en jouant avec la lumière et les angles de vue, à tel point qu'on s'imagine cheminer avec elle en écoutant le récit du parcours insolite.

Le rêve de l'artiste est devenu réalité. le livre comme le jardin sont les témoins de cette prouesse. L'art dans toute sa splendeur.
Mais tournons les pages avec délicatesse et discrétion car… silence, ça pousse !

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