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Critique de Sarindar


Évoquer le "Bon temps de Saint Louis", c'est déjà convoquer le rêve dans le récit historique et la nostalgie d'un âge d'or qui ne le fut peut-être qu'aux yeux des générations suivantes et pas tant des contemporains du Saint roi. À quoi fait-on allusion quand on cède à cette illusion et à cette idéalisation ? Pour les uns, ce fut juste parce que ce règne correspondit, indépendamment de la personne du roi, avec une période d'équilibre et de prospérité et que l'on se référa à
cette époque dans les temps plus difficiles qui suivirent, de Philippe le Bel à la guerre de Cent Ans pour une part incluse, quand la monnaie fut moins stable ou parut telle, comme si la simple aspiration à un retour à ce bon temps d'autrefois n'avait qu'à être exprimée pour être satisfaite et pouvait conduire à la réapparition de conditions aussi favorables qu'au XIIIème siècle.
À trop suivre Joinville, on risque bien de ne voir en Louis IX qu'un saint homme et un modèle de souverain chrétien et de défenseur de la justice, et surtout de justice équitable.
C'est oublier que Louis IX ne conçut pas seulement son rôle comme celui d'un homme chargé
d'une double mission : celle de recevoir et de transmettre le pouvoir royal en le renforçant et en accroissant si possible la superficie du royaume durant son règne et celle d'agir en roi très chrétien, presque en homme irréprochable. Louis IX fut canonisé par les soins de son petit-fils Philippe le Bel, lequel profita de l'influence plus ou moins contraignante et menaçante qu'il exerçait sur le souverain Pontife Boniface VIII pour obtenir de ce dernier que le nom de Louis fut porté sur les autels, ce qui était censé conférer à la dynastie Capétienne une aura de sainteté.
C'est le risque avec Louis IX qu'on ne tombe dans cette imagerie d'Épinal qui fausse le jugement.

Les auteurs de cette bande dessinée historique ont largement emprunté au sire de Joinville, qui a laissé une Vie de Saint Louis quasiment hagiographique mais ils ont tenté sans toujours bien y parvenir d'éviter les écueils que nous venons de décrire.
Un de leurs propos était sans doute de révéler l'homme sous le manteau royal, et l'on peut dire que cet objectif est en partie atteint.
Certes, commencer par la fin, est toujours un peu difficile, car on peut fausser ainsi la bonne lecture qu'il faut faire des événements, mais enfin on comprend l'intention, celle de montrer les scrupules d'un homme ayant bien conscience de n'avoir pas réalisé tout ce qu'il espérait accomplir mais gardant jusque sur son lit de mort devant Tunis le 25 août 1270 la volonté de ne rien négliger dans le transfert de pouvoir à son fils, ce qui était aussi bien une question de politique, de morale et de spiritualité.
On voit clairement quelques-unes des failles de cette ébauche maladroite de construction de l'image d'un personnage dans les relations que Louis eut avec les femmes, aussi bien sa mère Blanche de Castille que son épouse Marguerite de Provence, des relations qui montrent qu'il laissa l'autorité à ces dernières dans la vie domestique, et qu'il les laissa se disputer sur sa personne l'importance qu'elles étaient tentées de se donner, et qu'elles eurent réellement, ce qui dut contribuer au succès apparent de ce règne, tout tourné vers l'affirmation d'une sacralité de la fonction royale en pesée équilibrée avec un pouvoir temporel assumé sans complexe, notamment quand il s'agissait de développer un cadre administratif et juridique favorable à la pérennisation et à la solidification de l'oeuvre Capétienne.
C'est sans le dire, mais en racontant l'histoire d'un roi et d'un homme pieux pétri aussi de contradictions - avoir bon commerce de chair dans les liens du mariage pour le bien de la descendance et de la dynastie tout en imposant à cette chair quelques macérations et en connaissant dans sa chair les supplices et les leçons rédemptrices de la maladie - ce que parviennent à évoquer, par petites touches ou dans quelques plus longs développements, les auteurs de ce Saint Louis, Mariolle, Nikolavitch, Cenni, Anheim et Theis, qui trouve fort justement sa place dans la série : Ils ont fait L Histoire.

François Sarindar
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