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Critique de Lamifranz


La comédie au XVIIIème siècle se résume finalement à deux noms : Marivaux et Beaumarchais. Il y en a beaucoup d'autres certes, mais ces deux-là émergent avec une évidence que les siècles suivants n'ont pas démentie. Deux styles différents, deux conceptions du théâtre différentes, deux façons modernes, chacune à sa façon, d'explorer la comédie, et, au final, deux grands noms de la littérature pas toujours mis à leur juste place.
Marivaux (Pierre Carlet) (1688-1763) est victime du nom qui a été tiré de son nom, « marivaudage ». Avec le temps, ce mot a pris la signification de libertinage, de badinage, de flirt plus ou moins affecté (dirions-nous aujourd'hui en bon français). Il faut se rappeler qu'en 1730, le mot existait déjà, issu des précédentes comédies de Marivaux, et son sens était assez différent : marivauder, c'était à l'époque, disserter sans fin sur des menus problèmes, ergoter en quelque sorte, faire de la philosophie de façade, futile et superficielle, il n'y avait alors aucun rapport avec la séduction. Marivaudage était alors un synonyme de « légèreté » intellectuelle.
Beaucoup de comédies de Marivaux sont, et « Les jeux de l'amour et du hasard » en particulier, des comédies légères. En 1730, quand celle-ci fut jouée pour la première fois, elle séduisit par sa subtilité, son esprit et sa légèreté. Et l'originalité de son intrigue :
Monsieur Orgon (qui n'a rien à voir avec celui du Tartuffe) veut marier sa fille Silvia avec Dorante. Silvia, fine mouche, veut « tester » le fiancé avant de lui donner sa main, et change de rôle avec sa servante Lisette. le problème c'est que Dorante, de son côté, a la même idée, et en fait de même avec son valet Arlequin. Seul le papa est au courant… et rigole en cachette, en attendant de voir comment ça va tourner. Silvia est effarée de voir son promis (Arlequin) et en pince plutôt pour le valet de celui-ci (Dorante), et c'est le même jeu dans l'équipe d'en face. Finalement tout rentrera dans l'ordre, et chacun retrouvera sa chacune.
Ce scénario bien huilé (c'est déjà un mécanisme à la Feydeau) Marivaux l'utilisera dans d'autres comédies, et non des moindres (ce travestissement des rôles, on le retrouve en partie dans « Les Fausses confidences »). Il a l'avantage de créer des situations comiques en opposant les classes sociales (maître et valet, maîtresse et servante) et par ricochet les rapprochements (ou antagonismes) sentimentaux, ce qui donne un ensemble tout à fait réjouissant, et paradoxalement pur et sincère, malgré la ruse « pour le bon motif »
Au-delà de cette première lecture « ludique », on peut voir aussi dans cette pièce une critique voilée, comme chez Molière, des convenances, des mariages préparés, de l'hypocrisie d'une certaine société, incarnée par Orgon, contrastant ici avec l'innocence et la spontanéité des jeunes gens. Nos amies féministes noteront aussi que les femmes se rendent compte les premières du subterfuge, et dès lors, prennent le jeu à leur compte.
Si vous en avez l'occasion procurez-vous (en DVD ou sur le site de l'INA) le téléfilm réalisé en 1967 par Marcel Bluwal (avec Claude Santelli un des plus grands adaptateurs d'oeuvres littéraires à la télévision), avec dans les rôles principaux : Danièle Lebrun (Silvia), Jean-Pierre Cassel (Dorante), Françoise Giret (Lisette) et Claude Brasseur (Arlequin). Un chef d'oeuvre de mise en scène, de réalisation et d'interprétation.
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