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Critique de michfred


Lucidor est malade, Lucidor est riche. Angélique est pauvre, Angélique le soigne. Et surtout Angélique l'aime.

Mais l'aime-t-elle pour lui-même ou pour sa fortune? Rongé de soupçons et de fatigues, Lucidor imagine une mise à l'épreuve des sentiments d'Angélique.

Cruelle et dévastatrice, comme toujours chez Marivaux.

Courtisée à la fois par un faux ami de Lucidor qui n'est qu'un valet effronté, et par un lourdaud de village sincère mais peu appétissant, Angélique est perdue, d'autant que le seul qui l'intéresse, Lucidor, semble lui battre froid et vouloir la jeter dans les bras de cet impudent "ami" qui n'est que son domestique.

Désespérée, elle songe à épouser le benêt paysan de service..

Lucidor, enfin, consent à faire cesser ce jeu cruel et avoue la mystification et son amour. l

Mais la fin n'est pas si "happy end" que cela: Angélique est anéantie par tant de cruauté: elle ne pousse ni cri de joie, ni soupir d'amour. Son silence final est éloquent...

La pièce en un acte est un vrai régal. Tout Marivaux y est: vif et contrasté, cruel et sensible!

Pour décor, le charme un peu dépaysant d'une campagne, avec la proximité de Paris qui bruisse en arrière-plan; pour personnages secondaires, un notable de village tout gauche et guindé et un valet parisien alerte et roué, une soubrette à la langue bien pendue, une mère ..."maquerelle", aveugle et sourde aux souffrances de sa fille, et puis surtout les deux protagonistes, Lucidor et Angélique.

J'ai vu jouer le premier par un jeune acteur qui, à chaque scène, semblait plus pâle, plus essoufflé, plus maladif et presque mourant, ce qui donnait à sa cruelle manipulation un air d'urgence et une âpreté très inquiétants.

Quant à Angélique, elle est une de ces héroïnes tendres, sincères, sans afféterie -ce n'est pas une parisienne - que Marivaux affectionne. On pense à l'héroïne de "La vie de Marianne", son roman "féministe" .

Cette "épreuve" est pour Angélique comme un baptême du feu: elle y découvre en même temps la méchanceté, la forfanterie et la balourdise des (trois ) hommes qui la courtisent et des trois "classes" qu'ils représentent.

Elle n'est pas loin de préférer le calme de la simplicité campagnarde aux avanies et tromperies spirituelles d'une société parisienne en mal de divertissement, d'une société corrompue, où maîtres et valets, complices en malignité, restent au fond d'impitoyables adversaires de classe.

Son silence final en dit long sur la perte de ses illusions...et sur son amertume.

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