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Citations sur Vers libres. Edition bilingue : français - espagnol (31)

Aigle Blanc

Debout chaque matin,
Près de ma couche rude se dresse le bourreau.-

Le soleil brille, le monde naît, le vent fait fuir
De mon crâne les mauvaises pensées, -
Et mon aigle malheureux, mon aigle blanc
Qui chaque nuit dans mon âme renaît,
Vers l'aube universelle étend ses ailes
Et en direction du soleil prend son vol.
Et silencieusement le barbare bourreau
D'un nouveau coup de poignard lui transperce
Le cœur vaillant chaque matin.
Et au lieu du vol clair vers le soleil altier
Entre les pieds des gens, ensanglanté, brisé,
En quête d'une graine l'aigle va et se traîne.

Oh nuit, soleil de l'affligé, sein accueillant
Où le cœur sa vigueur renouvelle,
Continue, occulte le soleil, prends la forme
D'une femme, libre et pure, pour que je puisse
Révérer tes pieds, et de mes baisers fous
Couvrir ton front et réchauffer tes mains.
Délivre-moi, nuit éternelle, du bourreau,
Ou donne-lui, pour qu'il me frappe, à l'aube
Naissante, une épée vierge et rédemptrice.
De quoi la feras-tu ? De lumière d'étoiles !
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Arbre de mon âme

Comme un oiseau qui traverse l'air clair
Je sens que viennent à moi tes pensées
Et là dans mon cœur établissent leur nid.
L'âme s'épanouit : ses rameaux frissonnent
Comme les lèvres tendres d'un jeune homme
Lors du premier baiser à une jolie femme :
Les feuilles chuchotent : elles ressemblent
A des ouvrières bavardes et envieuses,
Occupées à préparer le lit nuptial
Pour la demoiselle d'une riche maison :
Vaste est mon cœur, et il a tout à toi :
Tous les malheurs y contiennent, ainsi que tout
Ce qui au monde pleure, et souffre, et meurt !
Des feuilles mortes, de la poussière, des branches
Brisées je le débarrasse : je lisse avec soin
Chaque feuille, et les tiges : puis j'enlève
Tous les vers et les pétales rongés
Des fleurs : je rafraîchis le gazon à l'entour
Et pour te recevoir, oiseau immaculé !
J'apprête mon cœur transporté de joie !
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Fleurs du ciel

J'ai lu ces deux vers de Ronsard:
"Je vous envoye ce bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanouies",
et j'ai écrit ceci:

Des fleurs ? Je ne veux pas de fleurs ! Celles du ciel
Je voudrais moissonner !
Qu'il craque, tel le pan
D'un mont lézardé, ce vêtement fatigué
Qui m'étreint et m'enchaîne de ses tentacules
Ainsi que de serpents,- qui dans mon âme rassasient
Leur faim, introduisant dans la sombre caverne
Séjour de mon esprit, leur noire
Tête, leur bouche rouge et souriante ! -
Qu'il tombe, comme un charme, ce tissu
De racines enchevêtré ! - Que surgissent
A la place de mes bras des ailes, - et qu'il semble
Que, quand je monterai par l'éther solennel,
De mes yeux, pleins de cet univers où ils vont,
Des torrents lumineux sur les hommes descendent !

Et que folâtrent dans la rosée des jardins
D'aimables troubadours moissonnant des fleurettes : -
Moi, pâle d'amour, dressé dans les ténèbres,
Enveloppé dans une gigantesque cape
De lumière astrale, en mon jardin, le ciel,
Je ferai un bouquet magnifique d'étoiles :
Pour saisir la lumière ma main ne tremblera ! :

Enfin je chercherai, dans les nues endormies,
Ma bien-aimée, et sur son sein la plus brillante
Je fixerai, et j'éparpillerai les autres
Sur sa vaporeuse chevelure dorée.
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[D'entre les hommes...]

D'entre les hommes, on revient tout souillée
Comme les paysans du pressoir malodorant
Où ils écrasent les raisins généreux.-
Que tremblent ceux qui aiment, qu'à coups de poing
Cruels, comme aux gens honnêtes, les bandits
Les blesseront au vif de leur âme affolée ! -
Et traqué, comme une bête, l'on ne se laissera
Tomber à plat ventre que sur son lit de lumière !
Le barbare [romain ? ] jetait aux tigres
Les fidèles du Christ : - et c'est aux hommes
Qu'aujourd'hui on jette les nouveaux martyrs !
Car comme la graine croît pour donner l'arbre
Vigoureux, et une frondaison superbe, et fructifie,
L'âme aimante qui, sans se donner se meurt
Ne trouvera ni air, ni terre, lumière, ni emploi./
Pour éclairer la terre le soleil resplendit :
La graine commence par donner un doux fruit,
Et maintenant, ou après, ou un jour, l'âme
Trouvera le plaisir d'aimer sans [en rougir].
Moi j'ai déjà senti, déjà comme se meut
Libérée du corps, de même qu'un nuage
Dans l'espace divin, l'âme humaine !
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[La forêt est profonde]

La forêt est profonde. Une flore immense,
Telle une dense muraille, comble
De ses parfums pénétrants l'air frais, -
Et le tronc gris, et les branches vertes déversent
Des guirlandes de mauves hypomées.
Léchant le tronc,
De longues racines, qui vont baiser
De la lagune bleue les vastes ondes paresseuses,
Comme une femme qui, d'un air ensommeillé
Tendant ses seins dressés
Ouvre les bras à l'amant attardé.
Les vertes feuilles, promesses d'amour,
Murmurent ; et dans les ondes se reflètent,
Comme les vivants qui sur la terre courent
En voyant le bonheur, sans jamais le trouver.
Et les racines, esclaves de leur tronc, -
Comme l'esprit, se secouent
La parure charnelle d'un souffle désespéré, -
Et, comme l'âme meut dans les espaces
Une aile, pendant que dans le tronc gémit
L'aile épouse et gémissante esclave, -
De la cime de l'arbre, solidement réunies,
Les lianes souples sur les ondes flottent.
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Aux grands espaces

Aux grands espaces moi je veux m'abandonner
Là ou l'on vit en paix protégé d'un manteau
De lumière, gonflé d'une enivrante joie,
Sur des nuages blancs on peut se promener, -
Lieu de séjour de Dante ainsi que des étoiles.
Moi je sais, oui je sais, parce que je l'ai vu,
Lors de moments très purs, de quelle façon brise
Une fleur son calice, - et c'est d'une pareille
Façon, oui, pareille, que l'âme rompt le sien.
Ecoutez-moi, voici : - cela vient tout d'un coup
Comme une aurore qui nous surprend, et de même
Qu'aux tout premiers rayons du soleil printanier
Les aimables lilas se recouvrent de fleurs...
Malheureux que je suis : je voulais vous le dire
Et à l'affût du vers, j'ai vu devant mes yeux
Les images grandioses alignées
Tels des aigles joyeux côte à côte perchés.
Mais voici que les hommes en criant font partir
Bien loin de moi les nobles oiseaux d'or :
Ils s'en vont, ils s'en vont : voyez comme s'écoule
Le sang de ma blessure.
Si vous me demandez un symbole du monde
De notre temps, voici : c'est une aile brisée.
On cisèle l'or aisément, rarement l'âme ! -
Voyez ma peine : c'est que mon âme vit
Traquée telle une biche au fond d'une caverne : -
Oh non, ce n'est pas bien :
je me vengerai, en pleurant !
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Poétique

La vérité exige un sceptre. Ma poésie
Peut, tel un gentil page, aller par les salons
Luxueux, aux parfums variés et aux riches lumières,
Tout tremblant d'amour dans le cortège
D'une illustre princesse, ou bien distribuant
Aux dames des sorbets exquis. Ma poésie connaît
Les épées d'apparat, et les pourpoints violets,
Coiffures blondes et chausses à crevés.
Elle connaît les vins doux ainsi que les amours
Ma poésie sauvage ; mais elle préfère
Le silence du véritable amour,
Et la forêt touffue et prolifique :
Elle aime le canari, comme elle aime les aigles !
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Oh ! Margarita !

Un rendez-vous dans l'ombre de ta porte
Obscure, alors qu'un frais petit vent nous convie
A nous serrer tous deux, et si étroitement
Qu'un seul corps tous les deux nous formions :
Laisse le vent moqueur s'insinuer joyeux,
Débordant de santé, tel un galant jeune homme
Qui les courtiserait, parmi les feuilles,
Afin que dans le pin
Murmure et majesté ma poésie apprenne.
Seule la nuit est digne de l'amour.
Solitude et pénombre, c'est cela qu'il lui faut.
On ne peut plus aimer, oh Margarita !
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Soif de beauté

Seul, je suis seul: voici le vers ami,
Comme l'époux qui diligent accourt
A l'appel de la tourterelle effrayée.
Comme des hauts sommets au moment du dégel
Les neiges libérées dévalent au torrents
Abondants par vallons et halliers -
Ainsi au plus profond de mon âme oppressée
Un amour apaisant et un désir avide
De céleste beauté se répandent.
Comme si sur la terre, du haut du vaste azur,
S'épandait le parfum de l'âme d'une vierge
Embaumant la sanglante et sombre humanité,
Leur bénigne clarté les étoiles déversent
Épouses du silence ! - et des fleurs
Ainsi le doux parfum confusément s'élève.

Donnez-moi excellence et perfection : donnez-moi
Un dessin de Michel-Ange : une épée
Avec pommeau de Cellini, encore plus belle
Que les plafonds d'ivoire ciselé
Que se plaît à sculpter la Nature.
L'auguste crâne où se sont consumés
L'universel Hamlet ainsi que la fureur
Tumultueuse de maure : - la jeune fille
Indienne qui, sur le bord du fleuve riant
Don' l'eau baigne les murs de l'antique Chitchén,
Cachée à l'ombre d'un luxuriant bananier
Et sous ses propres cheveux, essuyait
Son corps svelte à la peau brune et lisse.
Donnez-moi mon ciel bleu... donnez-moi la pure
Âme marmoréenne qu'au Louvre magnifique
Offrit, comme un fleuron, la célèbre Milo.
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La vie n'est pas
Une coupe enchantée, qui se change soudain
En fiel pour les malheureux, et en pétillant
Tokay pour l'homme heureux. La vie est grave,-
Fragment de l'Univers, formule reliée
A l'immense formule, esclave ligotée
A un chariot d'or, qui aux propres regards
De tous ceux qu'il emporte en sa course rapide
Se cache en une gloire de poussière d'or,- esclave
Par d'invisible et lourdes chaînes
A l'inlassable éternité attachée !

Notre terre est un cirque, comme celui de Rome ;
Près de chaque berceau c'est une panoplie
Invisible qui attend l'homme, et où flamboient
Comme un poignard cruel frappant qui le brandit,
Les vices, et comme des écus de pureté
Les vertus : la vie est cette vaste arène,
Et les hommes sont les esclaves gladiateurs,-
Mais le peuple et le roi, en silence regardent
Des gradins élevés, dans l'ombre solitaire.
Mais ils regardent ! Et celui qui dans le combat
A baissé son écu, ou bien l'a écarté,
Ou lâche a supplié, ou a offert son cœur
Faible et soumis à l'impitoyable dague
De l'adversaire, les farouches vestales
Assises sur le trône d'implacable pierre
Le condamnent à mort, pollice verso,
Et la dague enfoncée jusqu'à la garde vile,
Sur l'arène cloue le lâche gladiateur.

Relève, ô peuple, ton écu, car cette vie
Est grave, et toute action est une lourde faute
Que l'on porte plus tard tel un anneau d'esclave
Fermé autour du cou, ou grande récompense
Qui permet d'échapper au funeste destin !

Voyez-vous les esclave ? Comme des corps sans vie
En grappes réunis, derrière votre dos
Ils seront là vie après vie, et vous du front.

Livide et angoissée, cette sinistre charge
En vain vous halerez, jusqu'à ce que le vent
De votre châtiment barbare apitoyé,
Des atomes derniers ne fasse que poussière !
Ah quelle atroce vision ! ah quelle terrible
Procession de coupables ! Comme en une noire
Plaine je les contemple, effrayants, haletants,
Arbres privés de fruits, lianes séchées
Et pitoyables, en une funeste contrée
Où le soleil est sans clarté, l'arbre sans ombre !
Ils rament en silence, comme sur un vaste
Océan privé d'eau, tandis que sur le front
Ceinte est la corde comme le joug du bœuf,
Et à l'arrière enfin, leurs maigres corps zébrés
De cruels coups de fouet, la foule des captifs !

Voyez-vous ces carrosses, ces blancs linges fins
Amènes et légers, ce superbe coursier
La crinière tressée, les rênes magnifiques,
Cette selle de riches parures d'argent
Garnie, et le minuscule escarpin
Prison, en même temps, du pied comme des cœurs ?
Or voyez donc qu'ici les autres vous méprisent
Comme une race vile, sans courage et sans vie !
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