Alors qu'un loup rôde dans la montagne terrorisant les villageois, un autre prédateur vient troubler les joyeuses retrouvailles familiales. Ce prédateur, c'est un oncle qui a violé Emilie lorsqu'elle n'était encore qu'une enfant. Émilie, mais aussi sa cousine, sa propre fille. Reconnu coupable de viol sur les fillettes et condamné pour ses actes à 2 ans de prison avec sursis et 3000€ de dédommagement, le voilà invité à cette réunion familiale qui s'annonçait joyeuse et conviviale. La jeune Emilie est chamboulée. Son traumatisme refait violemment surface.
Mais le pire attend la jeune femme. Sa famille l'invite à tirer un trait sur cette histoire, à faire table rase du passé. Émilie est même pointée du doigt, on lui reproche d'avoir brisé la famille. Car elle a osé dénoncer, porter plainte avec le soutien de ses parents, car son agresseur a été reconnu coupable, car elle refuse de passer sous silence son traumatisme, on lui reproche d'avoir perturbé l'équilibre familal. C'est le monde à l'envers, la victime devient coupable.
Au lieu d'exclure ce prédateur de la famille, on exhorte Emilie à "grandir", à "passer à autre chose", "à pardonner". Mais comment demander à une jeune fille de pardonner à celui qui lui a infligé une blessure à vie ? Enfant, elle a subi un viol, un traumatisme qu'elle va devoir porter toute sa vie durant. Et voilà que l'on demande à la jeune femme qu'elle est devenue de tolérer la présence de son agresseur a une fête de famille.
Cette BD est poignante et criante de vérité. Elle met en évidence l'omerta qui régne dans de nombreuses familles, une omerta qui brise les victimes tout autant que les faits eux-mêmes, si ce n'est plus. Au nom de l'équilibre familial, par peur de faire des vagues, de voir la famille se déchirer, beaucoup gardent le silence. Qu'ils soient victimes ou témoins, certains choisissent de se taire pour ne pas briser leur famille. Et
lorsqu'elles osent dénoncer, les victimes se heurtent à une justice qui condamne peu, qui condamne mal. Pour rajouter à leur traumatisme, certaines victimes font l'objet d'un rejet au sein de leur propre famille, pointés du doigt pour avoir fait vaciller l'équilibre, pour avoir osé mettre à jour la part d'ombre d'un proche.
Cette histoire, c'est celle de l'actrice
Héloise Martin qui a décidé de prendre la parole, de
raconter son traumatisme à travers cette BD poignante sur la reconstruction familiale après l'inceste. Un récit aussi émouvant que révoltant mais absolument nécessaire.
Cette histoire, c'est celle d'un enfant sur dix victime de violences sexuelles, violences bien souvent commises par un proche, un ami ou un membre de la famille. Cette omerta, c'est celle qui règne hélas dans de nombreuses familles, désireuses de maintenir un semblant d'équilibre familial, effrayées à l'idée de faire face aux faits. Car ouvrir les yeux c'est accepter l'indicible,
reconnaître que derrière le sourire bienveillant d'un oncle peut se tapir un prédateur. Accepter qu'un proche soit capable du pire. Il est parfois plus confortable de fermer les yeux, de faire comme si rien ne s'était passé. Mais les victimes dans tout ça ? Elles ne peuvent pas oublier, elles.