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Critique de Josephine2


On ne sort pas indemne de ce livre. La pensée qui me vient à l'esprit, qui ne me quitte pas est : « la vie n'est pas égale, selon le pays où l'on naît, selon que l'on naît riche ou pauvre et dans quel contexte on grandit. » Surtout au Salvador, pays considéré comme un des plus violents de la planète.

Depuis la dernière page fermée, je n'arrive plus à me plonger dans un autre livre. Cela fait déjà une quinzaine de jours. Peut-être donner mon avis, va-t-il me libérer ?

C'est un livre dur, difficile à digérer. L'écriture d'Oscar MARTINEZ ne vous en laisse pas le choix. Vous avancez à un rythme fou, ingérez la folie meurtrière des hommes à chaque page. Vous vous questionnez. Comment rendre compte ? Oscar MARTINEZ ne lâche rien, va à la rencontre des hommes, des sources. Il sait qu'à chaque moment il met sa vie en danger. Mais comment rendre compte si vous n'entendez pas les différentes versions aussi bien des Pandillas, de la population misérable qui subit les exactions de la police alors qu'ils n'ont rien fait, qui paient de leur vie la folie des policiers qui tirent sur qui bon leur semble, sans sommité, sans savoir s'il y a des coupables ou pas, uniquement pour tuer parce que tout simplement vous être trop pauvre ? Il explique également, que les policiers sont tout aussi pauvres que ceux qu'ils tuent. Que le pays est corrompu du plus bas de l'échelle à l'échelon le plus haut.

« La pandilla ne t'offre pas un salaire, elle t'offre une position différente dans ce monde. C'est ce qui est arrivé dans les années 1980 à José Antonio Terán, qui cherchait à ne plus être le gamin ayant fui une cruelle guerre civile, qui souhaitait travailler bien que sans-papiers, mais qui pour finir a voulu être El Veneno de Fulton (et l'a été), un redoutable pandillero. Quand quelqu'un ne peut aspirer selon certaines règles qu'à n'être rien, il cherche à être quelqu'un selon d'autre règles.
Etre quelqu'un est dans la nature humaine.
Etre quelqu'un n'est jamais être rien.
La vie c'est la recherche d'un sens, et le monde est fait pour que beaucoup d'individus ne le trouvent pas. »


Comment trouver et dire la vérité avec le plus d'honnêteté possible ? C'est ce qu'explique à chaque page Oscar MARTINEZ. Sa vision du journalisme. Si vous n'allez pas à la source, alors vous ne dites pas la vérité. Vous vous ferez votre opinion selon ce que l'on vous aura dit mais pas ce que vous aurez VOUS entendu de vos propres oreilles, vous n'aurez pas le contexte, vous ne « sentirez pas » l'ambiance, vous ne cernerez pas l'individu que vous interrogez. Ce ne sera pas honnête.

« « le plus beau métier du monde » disait García Márquez (en parlant du métier de journaliste). «Foutaises », pourrais-je lui répondre avec la plus grande admiration.

Le plus beau métier du monde, c'est sûrement autre chose : un ébéniste renommé, un cuisinier célèbre, un mécanicien qui passe à la télé, un jongleur de réputation mondiale, un acteur porno bien dans sa peau, un auteur de guides touristiques, un boxeur sans commotions cérébrales, un goûteur de marihuana. Je crois que journaliste, ce n'est pas le plus beau métier du monde. C'est juste un slogan. Ne le répétez pas, remettez-le en cause.

Je préfère ce qu'en a dit Guillermoprieto, que c'est un métier qui te donne un immense privilège et une énorme responsabilité : être témoin du monde au premier rang. Même si parfois, presque toujours, le spectacle est funeste. Ca, c'est moi qui le dis. »


« A tous les naïfs qui portent encore aux nues l'objectivité journalistique, je dis cela : Rudi était – est ce que j'ai choisi. Je n'ai jamais rien inventé sur lui, mais j'ai tout choisi : quoi lui demander, ce qui le rendait intéressant, quels mots retenir dans ce qu'il m'a dit, à quel moment écrire sur lui. Quand Rudi était une histoire, quand Rudi était une chaussure.
Vous vous souvenez de cette foutue honnêteté ? Eh bien j'ai passé des mois sans rien promettre à Rudi, même pas que je raconterais son histoire. J'ai passé des mois sans accord établi : je veux seulement entendre tes réponses, je ne sais pas encore pourquoi. »

Bon j'arrête là les citations sinon le livre y passerait.

L'écriture d'Oscar MARTINEZ est tendue, sporadique. Il écrit, écrit, de façon non linéaire, fait des circonvolutions, tout en suivant le fil d'ariane : Rudi et son contexte, dans son entièreté. Et lui, Oscar MARTINEZ, comment va-t-il ? Comment fait-il pour continuer à rendre compte, quoi qu'il en coûte ?

« Il y a des morts. Point » sont les derniers mots du livre.

Je remercie vivement les Editions Métallié et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre lors de la dernière masse critique.
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