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Le Salvador est l'un des pays les plus meurtriers du monde. Les gangs (« pandillas ») les plus violents s'y livrent depuis des années une guerre sans merci, à laquelle s'ajoutent les « affrontements » réguliers avec la police. Pourquoi des guillemets ? Je m'explique.
S'il est légitime pour un gouvernement de vouloir mettre fin à la violence des gangs et à l'insécurité qui en résulte, encore faut-il en donner les moyens aux forces de l'ordre d'abord, aux tribunaux et aux prisons ensuite.
Et c'est bien là tout le problème : corruption à tous les étages d'une part, et spirale infinie de violence d'autre part : sans qu'on sache très bien qui a commencé (version salvadorienne de l'oeuf ou la poule), les pandilleros tuent les flics pour se venger ou se défendre, d'autres flics abattent d'autres pandilleros pour se défendre ou se venger, la surenchère de vengeance s'étend aux familles des uns et des autres et cela ne s'arrête jamais. Sauf que cela devrait s'arrêter puisque les flics sont censés représenter la loi, l'autorité et l'Etat, et que même si au Salvador, il est très peu question d'Etat de droit, on ne devrait pas pour autant en arriver à une loi du Talion exponentielle. Mais que cela ne s'arrête pas, parce que les flics sont en l'occurrence eux aussi constamment harcelés, menacés, ciblés, torturés, tués par les gangs, et que les opérations commandos tournent régulièrement en bavure, la plupart du temps même pas accidentelles.
Et donc quand l'auteur parle d' « affrontement » avec la police, il veut dire en réalité « massacre commis par la police ».
C'est un énième de ces épisodes sanglants qui a mené à ce livre : dans le bled paumé de Santa Teresa, un groupe de policiers a abattu, en pleine nuit et dans une église, un groupe de pandilleros désarmés, ainsi qu'un jeune homme qui n'était membre d'aucun gang, et a ensuite maquillé la scène de crime en affrontement « authentique », certain de son impunité. Sauf qu'il y avait deux témoins, qui ont accepté de parler au journaliste, lequel, après investigations et recoupement de multiples indices, a publié l'histoire, qui a mené tant bien que mal à la mise en accusation et au procès de huit policiers.
Mais tout est mal qui finit mal, puisque par la suite, un des témoins a été assassiné, avec deux autres personnes innocentes, et que l'autre témoin vit encore sous la menace permanente des bourreaux assoiffés de revanche et de violence.
Dans « Les morts et le journaliste », Óscar Martínez, journaliste d'investigation spécialiste des thèmes de la migration et de la violence en Amérique centrale, revient sur ce crime et son enquête. Il s'interroge plus largement sur son métier, sa déontologie, explique comment il ne publie que des enquêtes dont il a pu prouver le moindre élément, parle de celles auxquelles il a dû renoncer, pour la raison inverse. Il questionne également les liens entre le journaliste et ses sources : si ce sont des victimes, faut-il sympathiser avec elles, faire preuve d'empathie, essayer de les aider, de les sauver, garder le contact après l'enquête ? Et si ce sont des bourreaux, comment interagir ? Des réflexions sur le pourquoi et le comment de ce métier si particulier dans cette zone si dangereuse du monde, sur cette violence infernale qui semble sans fin ni solution.
Malgré une structure qui aurait pu être plus claire (on sent que cela a été écrit d'un seul jet), « Les morts et le journaliste » est un livre terrible, dur, brutal, qui ne laisse pas de place à l'espoir ou à la rédemption. Mais la démarche est nécessaire et ici, remarquable d'honnêteté et de courage.

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Un grand grand merci à Babelio et aux éditions Métailié pour ce livre reçu dans le cadre de la Masse Critique non fiction. Un livre qui m'a impressionnée, son récit, son auteur, les questions posées....
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Avant de parler du livre, une petite série de chiffres :
France : 1,2 homicides pour 100 000 habitants
Etats-Unis : 5 homicides pour 100 000 habitants
Salvador : 107 homicides pour 100 000 habitants.
Vertigineux !
Il faut prendre acte de ces données pour comprendre le récit qui est fait par Oscar Martinez, journaliste qui s'interroge sur son métier, ses limites et la violence qui l'entoure.
Il cherche à comprendre son métier. Ses questions sont néanmoins à entrecroiser avec la physionomie de son pays, le pays le plus violent au monde. Et sa principale question concerne ses sources : celles et ceux qui vont oser dire. Quand s'arrêter ? Quand écrire ? Quel risque ? Pour eux qui dénoncent... Mais dénoncer peut être synonyme de trahir dans ce pays ultra violent gangréné par des gangs ultra violents... Et trahir est synonyme de mort (pas rapide en plus).
Je suis restée sidérée à la lecture de ce récit. du début à la fin. J'ai souvent lu des extraits à mon mari.
Les questions que l'auteur se pose sont pertinentes, encore plus dans son pays. Son récit va être celui d'un massacre organisé par la police. 1 témoin. Qui va en mourir. Entraînant avec lui 2 innocents qui vont également en payer le prix. Avec ce récit il entrecroise d'autres histoires : celles des migrants fuyant l'Amérique centrale et sa violence dans l'espoir de trouver une vie meilleure plus au Nord, celle d'une mère qui a vu mourir son fils suppliant tué par la police (fils qui a eu le malheur d'être au mauvais endroit au mauvais moment) et le procès qui va s'en suivre, celle de la mainmise des gangs sur la vie quotidienne ou comment des gamins de 15 ans font la loi à toute la population salvadorienne....

L'auteur se questionne : ses relations avec ses sources (parfois victimes, parfois coupables), les conséquences des témoignages, leur compréhension de celles-ci.
Oscar Martinez est courageux et honnête. Il ne fait pas de lui un preux chevalier blanc, il s'interroge, hésite, se raconte dans des scènes pas glorieuses pour lui montrant les limites de ce qu'il peut faire.... C'est ce qui fait toute la richesse du livre.
Mais finalement quelle triste destinée pour les habitants du Salvador....
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Un livre bouleversant, glaçant, qui fait oeuvre utile.
Un livre que je vous conseille vivement, que je n'ai pas pu lâcher une fois commencé. Un livre marquant et qui m'a donné envie de m'intéresser au Salvador, ce petit pays ravagé....
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✍🏻Chronique✍🏻

« Une mort c'est seulement un maillon qui disparaît. Mais les conséquences de cette disparition sont profondes, irréparables, et changent des vies. »

Alors, imaginez des morts. Des morts au pluriel, et pourtant singulièrement silenciées. Des morts au Salvador, il en a beaucoup. Il y en a trop autour du triangle nord de l'Amérique centrale. Les chiffres s'affolent mais, en revanche, pas les moyens d'enrayer le phénomène…Des morts injustes, des morts injustifiées, des morts persistantes. Des morts, encore et encore. Des morts et le journaliste, qui ne peut s'y résoudre. Avec son style et son carnet, il n'a que ça, pour faire bouger les choses. Alors il essaie de comprendre, de changer son regard, d'intégrer, de protéger, de faire parler, d'insister, de renseigner, de changer le monde. le journalisme d'investigation, c'est une vocation chronophage et un risque permanent. La violence est tellement intégrée dans leurs modes de vies, qu'il est quasi impossible de défaire les raisons et déraisons de leurs mécaniques, mais ce journaliste, Oscar Martinez, se risque à s'y confronter et à nous confronter, avec ce livre poignant, à cette triste réalité, au péril de sa vie, mais aussi celles de ses sources. La mort est omniprésente en ces lieux, c'est une constante. Enquêter auprès des membres de pandilla et de la corruption policière se révèle être une épreuve titanesque. La limite entre bons et méchants a depuis longtemps disparue pour ne laisser place qu'à des dérives et bavures en tout genres, qu'à toujours plus de violences et de risques pour les innocents comme les coupables, qu'à toujours plus de morts. Des morts, des morts, des morts. Au bout d'un moment, à compter tous ces morts, on a envie que ça s'arrête, on veut se rendre utile, mettre des mots sur un carnet Moleskine, pour ne pas oublier. Pour montrer qu'on n'est pas indifférent. Qu'un seul maillon, peut être le début d'un changement profond. On le souhaite honnêtement après cette lecture.
Cet essai de Oscar Martinez est un moment fort en émotions. Il raconte son métier de journaliste avec ce que ça comporte de doutes, de remises en questions, de choix, d'interrogations, de sacrifices et d'énergie. Il nous raconte son expérience et un des moments les plus bouleversants de sa carrière avec beaucoup d'humanité et de sincérité qui font qu'on est touché, en plein coeur. Il tire à mots réels. Et c'est puissant. Éprouvant. Sur-intense. Des histoires comme celle-ci, change une vie. Des histoires comme celle-ci nous rappelle que certains actes sont irréparables, définitifs et déchirants. Des histoires comme celles-ci doivent dépasser les frontières, être mise en lumière, pour que le monde change…

« Comment une société monstrueusement violente se crée-t-elle? »
Lien : https://fairystelphique.word..
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Ce livre est un essai dans lequel l'auteur, un journaliste salvadorien, se questionne sur son métier, notamment sur le rapport qu'un journaliste doit entretenir avec ses sources.

Le Salvador, ce petit pays d'Amérique Centrale, est l'un des endroits les plus dangereux au monde avec un taux d'homicide extrêmement élevé. C'est un pays ultra violent, avec une justice quasiment invisible, des politiciens pourris et incompétents, une police corrompue et sanguinaire, et des pandillas (gangs) qui gangrènent tout le pays.

Dans ce pays sans foi ni loi et à travers le décès de trois de ses sources, le journaliste se remet en question lui et le métier qu'il fait. Qu'a-t-il le droit de faire, jusqu'où aller pour ne pas mettre en danger ses sources, comment les protéger, où faut-il s'arrêter, la question de la rétribution se pose aussi... Où placer le curseur ? Toutes ces interrogations affleurent sans pour autant obtenir forcément de réponse.

Ce journaliste est très courageux pour le métier qu'il effectue dans un pays ultra dangereux en tentant de dénoncer la violence de tout bord et pour avoir écrit ce récit. Les questions qu'ils se posent sont légitimes.

Par contre, le récit manque de construction, parfois de clarté, ce qui fait que l'on peut être de temps en temps un peu dérouté. Mais c'est un récit fort, où l'auteur essaie de rendre compte de la difficulté de son travail de façon la plus honnête possible.

Un essai coup de poing écrit par un journaliste téméraire qui n'est pas encore résigné mais qui s'interroge sur son métier, son efficacité et son utilité dans ces pays gangrenés de partout.




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Oscar Martinez , journaliste salvadorien nous livre un témoignage poignant, bouleversant et exceptionnel sur son métier et la façon de le faire.
Le titre de cet essai est clair : les morts et le journaliste.
Le Salvador petit pays d'Amérique Centrale est gangréné par la violence des gangs ( pandilla ) et la pauvreté de sa population. le nombre d'homicide annuel est supérieur à 100 pour 100 000 habitants. Dans tous les quartiers les plus chauds de la planète , ce nombre dépasse à peine 50 pour 100 000 habitants.
Le titre du premier chapitre annonce la couleur : lisez ou laisser tomber. et Oscar Martinez de continuer : "La fin, je vous l'ai déjà racontée :les cadavres démembrés de trois frères salvadoriens jeunes et pauvres ont été retrouvé dans un champ de canne à sucre sans nom. si vous décidez de ne pas me lire, je vais vous éviter de tourner les pages . La dernière ligne de ce livre sera la suivante :Il y a des morts. Point. "
Ces trois frères salvadoriens sont des sources d'Oscar Martinez. Ces trois frères ont décidé de témoigner et ces témoignages seront la cause de leur mort à venir.
Dans son essai, Oscar Martinez va entremêler le regard qu'il porte sur les faits et témoignages ainsi que ces réflexions sur ce qu'est le journalisme .
A tout moment cela est éloquent , qu'il s'agisse de la violence de la société salvadorienne ou qu'il s'agisse de la réalité du journalisme. Tout devient universel. Que ce soit le sort d'un paysan d'un enfant , du membre d'un gang ou d'un journaliste.
Cet essai nous rappelle les risques et les raisons du métier de journaliste. Ce rappel est salvateur, brutal mais tellement pertinent.
" Tellement de journalistes l'ont dit. Notre travail ne consiste pas à être à l'endroit indiqué à l'heure indiquée. Ca, c'est le boulot des livreurs de pizzas ou de trains. Notre travail implique d'autres verbes : comprendre, expliquer, dévoiler, révéler, affirmer, questionner."
"Je crois que journaliste, ce n'est pas le plus beau métier du monde. C'est juste un slogan. Ne le répétez pas., remettez le en cause "
"L'honnêteté est un lieu commun. Sois honnête, sois honnête, sois honnête. C'est ce qu'on appelle enfoncer une porte ouverte. Etre honnête c'est surtout être brutal. Etre honnête c'est quelque chose qui se gagne.
Si l'honnêteté ne bouleverse pas le journaliste qui la propose, ce n'est pas de l'honnêteté, c'est tout au plus de l'angélisme ou de l'hypocrisie: je veux te sauver, je veux que le monde connaisse ton histoire, je veux changer ce monde, je veux la justice...
Ce n'est pas la même chose de dire à une source que tu veux raconter son histoire que de dire que tu veux le faire sans que cela signifie en aucune façon lui sauver la vie "
Je remercie les Editions Métailié et Babelio pour l'envoi de cet essai.
Lien : http://auxventsdesmots.fr
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On ne sort pas indemne de ce livre. La pensée qui me vient à l'esprit, qui ne me quitte pas est : « la vie n'est pas égale, selon le pays où l'on naît, selon que l'on naît riche ou pauvre et dans quel contexte on grandit. » Surtout au Salvador, pays considéré comme un des plus violents de la planète.

Depuis la dernière page fermée, je n'arrive plus à me plonger dans un autre livre. Cela fait déjà une quinzaine de jours. Peut-être donner mon avis, va-t-il me libérer ?

C'est un livre dur, difficile à digérer. L'écriture d'Oscar MARTINEZ ne vous en laisse pas le choix. Vous avancez à un rythme fou, ingérez la folie meurtrière des hommes à chaque page. Vous vous questionnez. Comment rendre compte ? Oscar MARTINEZ ne lâche rien, va à la rencontre des hommes, des sources. Il sait qu'à chaque moment il met sa vie en danger. Mais comment rendre compte si vous n'entendez pas les différentes versions aussi bien des Pandillas, de la population misérable qui subit les exactions de la police alors qu'ils n'ont rien fait, qui paient de leur vie la folie des policiers qui tirent sur qui bon leur semble, sans sommité, sans savoir s'il y a des coupables ou pas, uniquement pour tuer parce que tout simplement vous être trop pauvre ? Il explique également, que les policiers sont tout aussi pauvres que ceux qu'ils tuent. Que le pays est corrompu du plus bas de l'échelle à l'échelon le plus haut.

« La pandilla ne t'offre pas un salaire, elle t'offre une position différente dans ce monde. C'est ce qui est arrivé dans les années 1980 à José Antonio Terán, qui cherchait à ne plus être le gamin ayant fui une cruelle guerre civile, qui souhaitait travailler bien que sans-papiers, mais qui pour finir a voulu être El Veneno de Fulton (et l'a été), un redoutable pandillero. Quand quelqu'un ne peut aspirer selon certaines règles qu'à n'être rien, il cherche à être quelqu'un selon d'autre règles.
Etre quelqu'un est dans la nature humaine.
Etre quelqu'un n'est jamais être rien.
La vie c'est la recherche d'un sens, et le monde est fait pour que beaucoup d'individus ne le trouvent pas. »


Comment trouver et dire la vérité avec le plus d'honnêteté possible ? C'est ce qu'explique à chaque page Oscar MARTINEZ. Sa vision du journalisme. Si vous n'allez pas à la source, alors vous ne dites pas la vérité. Vous vous ferez votre opinion selon ce que l'on vous aura dit mais pas ce que vous aurez VOUS entendu de vos propres oreilles, vous n'aurez pas le contexte, vous ne « sentirez pas » l'ambiance, vous ne cernerez pas l'individu que vous interrogez. Ce ne sera pas honnête.

« « le plus beau métier du monde » disait García Márquez (en parlant du métier de journaliste). «Foutaises », pourrais-je lui répondre avec la plus grande admiration.

Le plus beau métier du monde, c'est sûrement autre chose : un ébéniste renommé, un cuisinier célèbre, un mécanicien qui passe à la télé, un jongleur de réputation mondiale, un acteur porno bien dans sa peau, un auteur de guides touristiques, un boxeur sans commotions cérébrales, un goûteur de marihuana. Je crois que journaliste, ce n'est pas le plus beau métier du monde. C'est juste un slogan. Ne le répétez pas, remettez-le en cause.

Je préfère ce qu'en a dit Guillermoprieto, que c'est un métier qui te donne un immense privilège et une énorme responsabilité : être témoin du monde au premier rang. Même si parfois, presque toujours, le spectacle est funeste. Ca, c'est moi qui le dis. »


« A tous les naïfs qui portent encore aux nues l'objectivité journalistique, je dis cela : Rudi était – est ce que j'ai choisi. Je n'ai jamais rien inventé sur lui, mais j'ai tout choisi : quoi lui demander, ce qui le rendait intéressant, quels mots retenir dans ce qu'il m'a dit, à quel moment écrire sur lui. Quand Rudi était une histoire, quand Rudi était une chaussure.
Vous vous souvenez de cette foutue honnêteté ? Eh bien j'ai passé des mois sans rien promettre à Rudi, même pas que je raconterais son histoire. J'ai passé des mois sans accord établi : je veux seulement entendre tes réponses, je ne sais pas encore pourquoi. »

Bon j'arrête là les citations sinon le livre y passerait.

L'écriture d'Oscar MARTINEZ est tendue, sporadique. Il écrit, écrit, de façon non linéaire, fait des circonvolutions, tout en suivant le fil d'ariane : Rudi et son contexte, dans son entièreté. Et lui, Oscar MARTINEZ, comment va-t-il ? Comment fait-il pour continuer à rendre compte, quoi qu'il en coûte ?

« Il y a des morts. Point » sont les derniers mots du livre.

Je remercie vivement les Editions Métallié et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre lors de la dernière masse critique.
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Les morts et le journalisteOscar Martinez, c'est quoi?
Un essai coup de poing sur un pays, le Salvador et sur une profession, journaliste.
Oscar Martinez nous raconte trois enquêtes au plus près des victimes des violences policières de son pays.
Chronique de trois morts annoncées, conséquences de témoignages mettant en cause l'inertie de justice.
Description méthodique de la violence endémique qui gangrène le Salvador.
Description minutieuse du travail de journaliste d'investigation dans un pays où la corruption est systémique.
Comment vivre dans un pays minuscule de moins de sept millions d'habitants, un pays où la police tue autant que les cartels.Un livre brutal, sec et précis, un livre nécessaire pour rendre compte d'un métier à haut risque dans un pays à la politique intérieure instable.
Comment vivre normalement lorsque l'on est témoin du pire de la nature humaine et comment oser mettre des mots pour en rendre compte.
Oscar Martinez nous livre un témoignage intime et sincère sur un métier qu'il adore mais qui, chaque jour, lui laisse de brulantes cicatrices.
"Les morts et le journaliste " est un polar ultra violent formidablement écrit qui se lit d'une traite mais ici tout est vrai, ce qui rend ce récit absoluement terrifiant.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Óscar Martínez dit dès les premières lignes de son prologue qu'il n'a pas eu de mal à écrire ce livre, mais qu'il n'y a pas pris plaisir, cela a été comme vomir. Je crois que pour moi c'est pareil, ça ne m'a pas coûté de lire ce livre, je n'ai mis qu'une poignée de jours à avaler ces quelques 200 pages, par contre cela n'a pas été agréable, cela a été comme nettoyer le vomi d'un proche revenu de soirée.
Ce n'est peut-être pas une bonne façon d'entrer en matière pour présenter un livre que j'aimerais voir plus largement diffusé et lu que d'en parler ainsi, mais cette image du vomi me paraît bien décrire ce qu'est ce livre. Je m'explique…

Óscar Martínez est un journaliste salvadorien. le Salvador, c'est le pays le plus violent au monde, sauf quand il se fait piquer la première place par son voisin le Honduras, mais bon, ça se joue dans un mouchoir de poche, ici, c'est du haut niveau. Dans dans ce pays meurtri et meurtrier, Óscar Martínez est en plus un journaliste qui enquête sur les violences dans le cadre d'une cellule dédiée, la Sala Negra, du journal en ligne El Faro. La violence, donc, il la côtoie au quotidien, il essaie de la comprendre, il essaie aussi d'en dire la vérité. Et la vérité, c'est que cette violence n'est pas l'apanage des pandillas qui sévissent dans cette partie de l'Amérique centrale. Óscar Martínez parle en effet beaucoup des « affrontements » entre les membres de ces gangs dont les noms ont pour certains traversé les frontières, comme les tristement célèbres Barrio 18 ou Mara Salvatrucha 13, et les forces de l'ordre. Si j'écris « affrontement » entre guillemets, c'est parce qu' Óscar Martínez tient à ces guillemets. Car derrière cette appelation officielle, se cache en général un massacre perpétré par les policiers, avec des victimes collatérales, des exécutions sommaires, des scènes de crime complètement reconstituées, et j'en passe.
Dans ce contexte, Óscar Martínez cherche à comprendre et à prouver. C'est un travail sans fin, qui fait côtoyer l'horreur, le danger, la tristesse, la trahison, la peur, le deuil, la menace… Et après plusieurs années à couvrir sans faiblir ces sujets, Óscar Martínez a accumulé une expérience et une réflexion qui continue à se nourrir chaque jour de ce qu'il voit et de ce qu'il fait en tant que journaliste. Alors, quand trois hommes qui étaient ses sources meurent, Óscar Martínez s'est décidé à coucher toutes ces réflexions sur le papier (l'épidémie de covid et le confinement qui a touché aussi le Salvador l'a peut-être aussi aidé dans cette décision de faire cette espèce de pause réflexive). Les 200 pages de ce bouquin en sont le résultat, un résultat qui tente de mettre un peu d'ordre dans tout cela, qui tente de découper la réflexion en chapitres, mais qui ressemble plus à un flot continu, qui n'arrive pas à s'interrompre, qui témoigne d'une pensée toujours en construction, d'une réflexion qui revient toujours sur elle-même, de conclusions qui ne sont jamais acquises. Un peu comme si tout d'un coup un barrage s'était rompu en lui et que tout demandait à sortir.

Pour moi qui ne connaît pas le secteur du journalisme, qui ne me suis jamais posée plus de questions que ça sur l'éthique que doit avoir un journaliste au-delà de savoir qu'il doit en avoir une, sur la façon dont il doit aborder ses témoins, sur la relation qu'il doit ou ne doit pas avoir avec eux, ce livre a été un grand coup de poing pour me faire réaliser (même si je m'en doutais, je ne suis pas si naïve) la complexité de ce métier. Óscar Martínez pose dans ce livre beaucoup de questions, et n'y apporte que peu de réponses, et ses réponses sont toujours personnelles, fruit de son expérience à lui et à nul autre pareille, et toujours susceptibles d'évoluer.
Cela donne un livre dans lequel il est parfois difficile de se retrouver, mais qui illustre bien une pensée en train de se construire, une pensée faite de questionnement et d'incertitudes. C'est un livre qui n'est pas facile, un livre probablement qui n'est pas pour tout le monde, il faut avoir un intérêt certain pour la région ou bien un intérêt pour le journalisme et son éthique pour pouvoir se plonger dans ce bouquin et se coltiner la violence dont il suinte (mais aucune description n'est gratuite, et certains livres noirs sont probablement pires mais je n'en lis pas et ne peux donc pas comparer). En fermant ce livre (mais pas en arrêtant d'y penser, c'est un livre qui sème des graines de réflexion qui pousseront pendant longtemps), j'ai un peu l'impression qu'Óscar Martínez n'est peut-être pas le gars le plus sympa sur terre (mais il faut peut-être, même certainement, cela pour faire un journaliste, et encore plus un bon journaliste, comme ses multiples collaborations internationales et ses nombreuses récompenses en attestent), mais il n'a pas essayé d'enjoliver la vérité. Il se dépeint tel qu'il est, il n'hésite pas à raconter certaines erreurs qu'il a pu faire, en essayant d'en tirer des enseignements, il se montre irascible quand il l'est, inflexible très souvent, et l'on avance avec lui, et au gré de ses souvenirs professionnels, dans sa réflexion, pour aussi réfléchir par nous-mêmes et essayer de comprendre ce qu'est le journalisme d'investigation dans un contexte marqué par une violence extrême et une impunité non moins extrême.

Merci aux éditions Métailié de m'avoir permis de découvrir ce livre, dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio.
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Un essai qui dépeint durement l'abîme de la violence et de la misère au Salvador. Une lecture coup de poing, dérangeante.

Votre mission si vous l'acceptez : essayer de comprendre la violence, trouver comment une société monstrueusement violente peut se créer.

Lieu de l'enquête : en plein coeur du triangle nord de l'Amérique Centrale, au Salvador, le pays le plus meurtrier de la planète.

Óscar MartÍnez est un journaliste travaillant depuis cinq ans au sein de la Sala Negra, un service d'enquête sur la violence du journal El Faro.

Dans « Les morts et le journaliste », Óscar, notre narrateur, va nous livrer treize ans d'enquête sur la violence avec la peur comme unique compagne. Il nous explique sa relation avec les informateurs mais, surtout, « Les morts et le journaliste » est un monologue intérieur d'une beauté captivante et inconfortable. Brutal.

Notre fil conducteur est l‘histoire de Rudi, membre de la pandilla (gang) et de ses frères. Dès le début, le lecteur sait que trois vont mourir et qu'un seul survivra. Et il sait aussi que ses yeux vont parcourir difficilement les pages suivantes. Car il sait qu'Óscar raconte des histoires vécues, vraies, qui semblent tirées d'un film d'horreur. Des histoires de vies humaines qui habitent des quotidiens monstrueux. Des paysans étouffés par l'impunité. Des policiers qui commettent des massacres. Des victimes qui sont aussi des agresseurs.

« Les morts et le journaliste » est un essai. Parfois carnet de notes ou carnet de voyage. Parfois confessionnal ou récit de souvenirs. Óscar y prône une certaine force de courage, celui de douter. le doute permanent. Des doutes épineux mais précis. Des doutes profonds. Ses recherches ne sont qu'une fouille effrénée. Les réflexions de l'auteur sont à la fois terrifiantes et bourrées de pénitence. Jusqu'où aller, quand s'arrêter, qu'est-ce que je veux savoir et pourquoi ? Avec ses investigations, Óscar met ses sources en danger, et il le sait.

« Quand quelqu'un ne peut aspirer selon certaines règles qu'à n'être rien, il cherche à être quelqu'un selon d'autres règles. Être quelqu'un est dans la nature humaine. Être quelqu'un n'est jamais être rien. La vie, c'est la recherche d'un sens, et le monde est fait pour que beaucoup d'individus ne le trouvent pas. »

Au-delà du doute, le journalisme permet de comprendre. Comprendre le monde. Continuer malgré tout à se poser des questions et éclairer l'indicible dans ces régions du monde où la mort violente est une politique d'État et une histoire quotidienne.

La plume d'Óscar est lucide, factuelle, objective. La volonté de comprendre dégorge de chaque phrase. Óscar creuse son sujet jusqu'à la moelle.

Dans ce livre dérangeant, il reste une note d'espoir : parfois le journalisme change quelque chose. Consuelo est une mère ayant été témoin du massacre de son fils de vingt ans par un groupe de policiers. Dans cette affaire, grâce au journaliste, une enquête s'est ouverte, se transformant en procès et condamnation internationale.

Un roman déroutant, dont l'impact sur le lecteur est immense. Acceptez de plonger au coeur de la violence salvadorienne en compagnie d'Óscar. Une lecture éprouvante, je dois bien l'avouer, mais tellement riche.

« Sa vie avait toujours été un désastre dans les grandes largueurs. Les histoires de dépassement existent, mais elles ont leurs limites. Dans ce cas précis, il n'y avait pas de rédemption possible. Personne ne la recherchait, personne ne la lui offrait, et ce n'était pas dans les environs qu'il risquait de la trouver. Survivre, tel était l'objectif. Fuir le mieux possible. Toujours fuir. »

Je remercie les Éditions Métailié et Babélio pour cette lecture.

#ÓscarMartÍnez #Lesmortsetlejournaliste #ÉditionsMétailié
Lien : https://soniaboulimiquedesli..
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Le Salvador est l'un des pays les plus meurtriers au monde, celui qui depuis 2014 détient le triste record du taux d'homicides le plus élevé de la planète. Óscar Martínez y est journaliste d'investigation. Il travaille pour El Faro, au sein d'un service spécialisé dans la violence, les thématiques migratoires, et le crime organisé.
"Les morts et le journaliste" est cimenté par deux fils rouges dont l'un est le coeur de son travail, et consiste à tenter de comprendre comment se créent les sociétés monstrueusement violentes. L'autre est une réflexion sur la déontologie journalistique. Il tisse son récit en partant de l'assassinat de trois de ses sources, les reliant à la pratique de son métier, et aux leçons qu'il a tirées de sa proximité, dix ans durant, avec l'extrême violence de son pays.

L'une de ces affaires débute avec un épisode sanglant mais devenu quasi banal dans ce pays gangréné par les gangs et la corruption : des policiers abattent, dans l'église du village de Santa Teresa, au cours de ce qu'ils qualifient d'affrontement, un groupe de pandilleros. Sauf que dans cet endroit du monde, quand la police dit affrontement, beaucoup comprennent qu'il faut entendre "massacre", et que l'une des victimes n'était pas un pandillero. Des témoins présents sur les lieux acceptent de parler au journaliste : les défunts n'étaient pas armés, mais les représentants des forces de l'ordre ont maquillé la scène du crime pour le faire croire.

La publication de l'article conséquent mène au procès de huit des policiers impliqués. La sentence sera clémente. Un des témoins sera assassiné.

On comprend à lire son récit que la violence, inhérente à la misère qui pousse des jeunes parfois à peine adolescents à intégrer les gangs, est dorénavant indissociable d'un cercle vicieux alimenté par la vengeance et par une politique de représailles qui fait du gouvernement lui-même un meurtrier, rendant des comptes à la population terrorisée à coups de cadavres.

L'évocation des enquêtes qu'il a menées autour de ces affaires de massacres perpétrés par des policiers au nom d'une propagande gouvernementale qui encourage la barbarie, révèle le très haut niveau d'exigence qu'il s'impose. Pour le journaliste qu'est Óscar Martínez, il ne s'agit pas d'être au bon endroit au bon moment, et surtout pas de se contenter des versions officielles. Il s'agit, pour comprendre et expliquer ces mécaniques sociétales, de douter, de questionner, en s'efforçant d'adopter une vision globale du monde. Il ne s'agit pas de donner ou de ne pas donner la parole, mais de raconter des histoires les plus vérifiées possibles et de trouver pour cela toutes les voies nécessaires, y compris en interrogeant ceux dont on ne partage ni les valeurs ni la morale.

"Être honnête c'est surtout être brutal. Si l'honnêteté ne bouleverse pas le journaliste qui la propose, ce n'est pas de l'honnêteté."

Très sévère, voire méprisant, à l'encontre d'une profession gangrenée par le sensationnalisme, la simplification et la déformation, il admet en même temps la possibilité de la grandeur de son métier, susceptible non pas de changer les choses, mais de renverser la perspective de certains récits, voire d'exercer parfois une influence. Il cite entre autres Hersch, journaliste américain spécialisé dans les affaires militaires et les services secrets : "tu ne peux pas obliger les dirigeants politiques à ce qu'ils fassent les choses correctement mais tu peux faire en sorte qu'il soit très compliqué pour eux de faire les choses incorrectement."

Cette exigence implique un investissement dont les conséquences sont parfois lourdes : le poids de la tristesse et de l'impuissance face aux victimes d'une violence inique et a priori inéluctable ; le doute et la culpabilité qui dévorent, après avoir fait le choix de publier certains témoignages malgré les risques encourus et d'avoir ainsi mis ses sources en danger ; la honte quand on ne parvient plus, à force d'entendre la même histoire, à s'émouvoir d'un témoignage pourtant terrible. Sa propre vie a parfois même été menacée.

"Les morts et le journaliste" est un récit dur, désespérant, et rendu d'autant plus frappant par la forme qu'adopte Óscar Martínez, presque en roue libre, comme s'il nous donnait à lire le premier jet de son travail, nous livrant avec le fruit de sa réflexion les dédales qui y conduisent, les questions qu'il se pose sur ce qu'il est en train d'écrire… il nous a d'emblée prévenus, qu'il y aurait plus que questions que de réponses, et qu'il allait pendre des chemins de traverse, et j'ai aimé qu'il le fasse, car il crée ainsi une indéniable proximité avec le lecteur, et lui donne à lire un témoignage aussi profond que sincère. Et puis son texte, malgré son caractère parfois digressif (mais jamais hors sujet), est rigoureusement tenu par une mécanique implacable menant à une inéluctable issue elle aussi annoncée d'emblée : "A la fin, il y a des morts. Point."
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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