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Critique de chocobogirl


Je vous parlais il y a peu du dessinateur japonais Maruo qui adapta avec bonheur un roman d'Edogawa Ranpo, L'ile panorama. Aujourd'hui, nous retrouvons toujours le même aux commandes d'une autre nouvelle de l'auteur : "La chenille". Edogawa Ranpo a écrit cette nouvelle en 1929, censurée pendant la guerre dans les années qui suivirent. A juste titre...

Quand Tokiko apprend que son mari va enfin revenir de la guerre, elle ignore encore dans quel état elle va le retrouver. Alors que ses voisines soulignent la chance qu'elle a de ne pas être veuve, la jeune femme espère retrouver l'homme qu'elle a quitté il y a 3 ans. Mais hélas le lieutenant Sunaga a ramené avec ses médailles de bravoure, une infirmité qui ne lui laisse plus apparence humaine : amputé du nez, des oreilles, des 2 bras et des 2 jambes, il n'est même plus capable d'entendre ni de parler. Sous couvert de fausse compassion et de respect, l'état et même la famille de ce dernier abandonne à Tokiko le soin de s'occuper de ce monstre...

Obligée de subvenir à tous les besoins de son mari, Tokiko fait preuve d'abnégation oscillant entre fascination et répulsion pour cet être rampant. Communiquant par écrit, le lieutenant Sunaga (qui n'est pas mutilé de partout...ahem...) est complètement dépendant de sa femme qui, peu à peu, va redécouvrir le plaisir érotique et se rendre compte du pouvoir qu'elle peut exercer sur lui. Elle s'approprie son corps et en fait une sorte de jouet érotique qu'elle se plait à faire souffrir. Une perversion qui mènera à la folie....

L'ero-guro est un mouvement artistique japonais, né dans les années 30, qui mélange érotisme et éléments macabres. Maruo en est un des chantres et s'est beaucoup inspiré d' Edogawa Ranpo. Rien d'étonnant donc qu'il adapte ses oeuvres.
Devant cet homme rampant au sol comme une chenille, Tokiko éprouve tout d'abord du dégoût. Mais un dégoût qui évolue petit à petit vers une forme de plaisir déviant qui mélange érotisme et horreur.
Tokiko, obligée par les convenances de tenir son rôle d'épouse quoiqu'il advienne, va voir sa vie se transformer en une horreur maritale dont elle tentera de s'échapper par la perversion, trouvant de la beauté dans ce qui n'en a plus.
Dénonçant le poids du devoir qui force les femmes à se soumettre au mari, Edogawa Ranpo (et Maruo) n'hésite pas non plus à montrer du doigt les ravages de la guerre. Les membres de l'armée préfèrent souligner la gloire et l'héroisme des soldats plutôt que de s'interroger sur l'absurdité d'une guerre qui fait de nombreuses victimes. Nous sommes début 1900 et le Japon est en guerre contre la Russie. le port de l'uniforme est valorisé et même montré en exemple. Aussi rien d'étonnant que ce récit ait été interdit pendant la guerre qui a suivie.

Le style graphique, loin d'alourdir une ambiance difficile allège le récit par ses traits fins et élégants. On y retrouvera le souci du détail, cher au dessinateur, qui illustrera de façon explicite les scènes érotiques. Mélangeant décors fleuris et chairs mutilées, il rend parfaitement compte de la symbiose entre horreur et plaisir.

"La chenille" est un récit cru et dur qui, au delà de son aspect grotesque et de son sadisme, se révèle profondement pessimiste sur la vie sociale japonaise et sur l'engagement militaire.

Un manga à ne pas mettre entre toutes les mains et qui ne plaira qu'aux amateurs de bizarreries japonaises...
Un indispensable pour les autres !
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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