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Critique de audelagandre


« Les démons de Berlin » reprend le même enquêteur déjà rencontré dans « L'ange de Munich », Sigfried Sauer. Nous l'avions laissé dans un grand désarroi, à la recherche de la femme de sa vie après avoir résolu l'enquête de la mort d'Angela Raubal, la nièce d'Hitler en 1931. Dans les « Les démons de Berlin », nous sommes en 1933. le climat politique est très tendu à Berlin depuis que Hitler a été nommé chancelier (30 janvier 1933). Sauer, qui ne fait plus partie de la police, se rend à Berlin pour tenter d'élucider des meurtres de jeunes femmes, toutes retrouvées défigurées et assassinées.

Fabiano Massimi s'est créé une place dans le roman historique de fiction. Il prend pour base un fait historique réel, puis construit une histoire autour de celui-ci. Ici, l'événement historique clé concerne l'incendie du Reichstag (l'Assemblée législative allemande). Dans un climat politique déjà extrêmement tendu « Cet homme est passé de 3 à 33% en huit ans presque sans se faire remarquer. C'est incroyable », cet incident va mettre le feu aux poudres et permettre au régime nazi d'annihiler les libertés civiles et de renforcer le pouvoir. Des doutes planent sur l'origine de cet incendie, mais je vous laisse découvrir pourquoi. Toujours est-il que cet évènement va permettre à Hitler de prendre davantage de pouvoir et entraîner, à terme, le pays dans la Seconde Guerre mondiale. Vous trouverez d'ailleurs en fin de roman les notes historiques, les notes de l'auteur, et une impressionnante bibliographie qui montre à quel point les recherches sur le sujet ont été vastes.

Comme je vous le disais en préambule, nous retrouvons Sigfried Sauer dont la perspicacité et le courage m'avaient agréablement surprise dans « L'ange de Munich ». le bonhomme ne lâchait rien, malgré le climat, les personnalités influentes qu'il a dû côtoyer pour boucler son enquête, mais aussi la lumière faite sur les « erreurs de jeunesse » qui lui ont porté préjudice. Dans « Les démons de Berlin », il est un peu plus affaibli moralement. Il n'est plus policier. Il est inquiet, sur ses gardes, méfiant, même envers des hommes qu'il connaît pourtant bien. L'affaire Raubal et la situation préoccupante de l'Allemagne ont laissé des séquelles. Mais l'homme est tenace et lorsqu'il reçoit une carte postale où est écrit « Creuse une fosse et assieds-toi dedans », il reprend rapidement du service. Ses motivations sont claires, ses actions crédibles, ses peurs justifiées. Par son intermédiaire, le lecteur est totalement immergé en 1933 et prend conscience des problématiques qui se jouent : « Vous ne comprenez pas ce qui se passe. Si le Reichstag brûle, l'Allemagne brûlera aussi. Si on ne l'empêche pas, les communistes seront accusés, et Hitler n'attend que ça. » L'enquête qui lui est confiée rajoute un suspense non négligeable au climat ambiant. Tout cela ressemble à une cocotte minute qui peut exploser à tout moment. La petite histoire dans la grande Histoire tient le lecteur en haleine durant les 460 pages que compose le roman. Et pourtant, le récit ne commence que 4 jours avant le jeudi 23 février 1933, pour se terminer le lundi 27 février 1933.

Avec Fabiano Massimi, le lecteur flâne dans les grandes villes allemandes. Après Munich, Berlin, ses monuments, ses rues célèbres, mais aussi une ambiance différente de celle rencontrée à Munich où le pouvoir n'était pas installé physiquement dans un endroit symbolique. L'auteur retranscrit parfaitement bien l'atmosphère de l'époque, les émotions des personnages, et également les coutumes de cette période. J'aime énormément les romans qui se déroulent lors de la Seconde Guerre et je connaissais très peu l'histoire des années qui l'ont précédée. Avec ces deux romans, j'ai pu m'en faire une bonne idée et j'ai trouvé cela passionnant.

Enfin, j'aime beaucoup les petites touches très personnelles de l'auteur, qui sans y toucher fait dire à ses personnages des choses très justes avec lesquelles je suis totalement en accord comme : « La mémoire des hommes est un témoin trompeur, qui manipule et réécrit sans cesse le passé, l'adaptant au présent, le faisant ployer en fonction du désir du moment. Les faits trop douloureux, trop décevants ou inconvenants sont poncés dans le souvenir jusqu'à ce qu'ils atteignent la perfection : suffisamment lisses pour cesser de blesser, modelés sur l'histoire qu'on se raconte à soi-même. Mais ceux qui imaginent que la vérité disparaît font erreur. Nous possédons d'autres sens, plus profonds, qui se souviennent de tout. Rien n'est jamais effacé, et il suffit d'un instant – ou d'un parfum – pour que tout refasse surface. » « Les démons de Berlin » est un roman captivant, qui se dévore et qui sous le prétexte du divertissement interroge et me fait me souvenir des paroles d'un texte de Goldman que j'aime beaucoup :

« Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens

Si j'avais été allemand ?

Et qu'on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps

D'avoir à choisir un camp »

Ce qui fait dire à Fabiano Massimi :

« Alors, gardons les yeux bien ouverts.

Ne baissons pas la garde. »
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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