Les samedis pesaient comme une couverture opaque, le cyprès se figeait dans le bleu poussiéreux… tout est figé, disait la mère… ça vide l’âme lentement à la petite cuillère »
Nous étions trois : mon grand frère, ma grande sœur et moi, « el bint », l’enfant, la fille, éternelle troisième personne du singulier. »
Quand j’aurais réglé mes affaires » et l’enfant se demandait, qu’est-ce qui va se régler, quelle est la chose qui doit se régler, et aussitôt la chose doublait, triplait, quadruplait dans son imagination : les choses, les affaires
C'est dans le trou que nous étions les plus proches, elle et nous: personne ne distinguait entre sa propre angoisse et celle de l'autre, l'angoisse de "le monde est mort". C'était un cri: le monde est mort.
"Tu es de quel côté, du nôtre ou du leur? lui demanda-t-elle avec hostilité.
- Du côté de personne, je suis du côté de la justice et de la raison et contre les réjouissances de la victoire, voilà où je suis"
Comme elle, je n'ai pas de lieux de nostalgie, et l'idée même ou la réalité du retour "là-bas" me dépriment et me paralysent. Je veux bien reconnaître un instant le visage de la nostalgie qui peut m'effleurer au passage, mais je ne veux pas y demeurer, m'y enraciner, autre image ou idée qui me plongent dans le désarroi.
La soirée était interminable, elle se déversait dans la nuit sans que nous le sentions, enchaînés à nos places non pas comme des prisonniers ou des malades, mais, fût-ce pour quelques heures, comme des convalescents de notre propre vie, la vie dont parlaient la mère et Sami, et parfois Corinne, pour dire : "La vie, la vie, la vie."