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Critique de Milllie


Connemara entrecroise les histoires de deux enfants du pays d'Epinal sur les notes de l'air bien connu de Michel Sardou. D'un côté, Hélène qui a construit sa vie pour échapper à son milieu social et à la petite ville où elle est née. de bonnes études, un poste prestigieux dans un cabinet de conseil parisien, un mari et deux enfants, une belle maison... et pourtant à la quarantaine sa vie semble lui échapper et sa réussite éclatante ne paraît plus suffisante. de l'autre, Christophe, ex star de l'équipe de hockey locale, qui a fait le choix inverse, n'a jamais quitté sa ville, s'est laissé emporté par la vie comme elle venait et qui à la quarantaine a l'impression de ne plus rien maîtriser. Ces deux solitudes vont se rencontrer brièvement et le bout de chemin qu'ils feront ensemble remettra en question leurs choix et leur fera prendre conscience de leurs fragilités.

Moi qui avais adoré Leurs enfants après eux, je me suis ruée sur Connemara dès qu'il a été disponible à la médiathèque et je me faisais une joie de découvrir ce nouveau roman de Nicolas Matthieu. Les premières pages m'ont emballée et puis soudain un grain de sable semble s'être glissé dans la machine, ma lecture a perdu de son intérêt, moi qui croyais tellement au coup de coeur je me suis rendu compte que non, ce livre m'échappait et que de plus en plus de détails m'agaçaient et m'empêchaient de prendre plaisir à ma lecture. Difficile de cerner ce qui n'a pas fonctionné pour moi, mais clairement je n'ai pas apprécié Connemara autant que je l'avais espéré.

En essayant d'analyser mon ressenti, je dirais que tout d'abord j'ai eu l'impression que certaines descriptions du roman ne collaient pas, ne sonnaient pas juste. Alors que ce qui fait pour moi la force de l'écriture de Nicolas Matthieu est son réalisme, son sens de la formule et sa capacité à analyser les situations et les êtres, j'ai trouvé que certains passages de Connemara semblaient plaqués, déconnectés de la réalité. Cela m'a paru particulièrement flagrant dans les pages qui concernent Hélène : j'ai eu du mal à croire à cette quarantenaire qui sympathise avec sa stagiaire, qui l'appelle "meuf" et lui parle de ses plans cul avec un vocabulaire et des attitudes qui ne correspondent pour moi pas du tout à cette génération (j'ai à peu près l'âge du personnage). La description du cabinet de conseil et du métier de consultant m'a elle aussi paru sonner faux, peut être parce que je connais bien (trop !) cet environnement professionnel : cela se veut ironique et cynique mais l'auteur aligne beaucoup de clichés et m'a donné l'impression de s'être renseigné sur cet univers sans vraiment le comprendre et le pratiquer au quotidien.

Je ne sais pas si ce sont ces dissonances au début qui ont provoqué cela mais à partir de là mon intérêt pour le roman s'est émoussé : j'ai eu l'impression que l'auteur en faisait trop, voulait tout connaître et tout savoir, se présentait en observateur aiguisé de la société sans vraiment apporter grand chose de nouveau. Contrairement à Leurs enfants après eux, qui avait une vraie tension dramatique et était resserré sur une narration où la tension montait peu à peu, Connemara m'a semblé s'étirer et se répéter inutilement. On passe du quotidien des personnages quarantenaires à leur adolescence, on décrit leurs parents, leurs amis, alors qu'on ne les retrouvera jamais dans le roman, on répète et on prolonge jusqu'à l'infini certaines scènes ou situation. Plus gênant, j'ai trouvé que l'auteur n'éprouvait aucune tendresse ou empathie pour ces personnages, que ceux-ci n'étaient pas incarnés mais servaient de simples archétypes de leur classe sociale. Là où dans son précédent roman on pouvait s'attacher aux personnages, espérer qu'ils s'en sortent et qu'ils fassent mentir les statistiques, ici on les voit s'agiter et mener leur vie sans que cela nous touche vraiment, aucun ne provoquant réellement la sympathie. Cela m'a de plus en plus gêné au fil des pages car à force les descriptions que fait l'auteur des plaisirs de la classe moyenne (les vacances en bord de mer, le petit pavillon, le barbecue du dimanche, le tout culminant avec la scène finale du mariage) m'ont paru de plus en plus méprisantes et teintées d'ironie voire de moquerie, là où un regard tendre et complice aurait été plus de mise.

Bref Connemara a été pour moi une grosse déception même si bien sûr certains passage font mouche et certaines descriptions ou points de vue sont passionnants. Ce livre avait le potentiel pour beaucoup plus et m'a semblé patiner et s'enliser dangereusement, frôlant parfois l'impression d'un auteur tellement au dessus de tout ça qu'il en devient méprisant, sans pour autant être suffisamment méchant pour que cela devienne une franche satire. Dommage, le tout me laisse perplexe, je pense que je tenterai quand même l'aventure une nouvelle fois avec cet auteur en espérant qu'il se renouvelle plus dans un prochain opus.
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