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Critique de tolstoievski


Mon Chien Stupide est un petit roman (novella) posthume de l'écrivain italo-américain John Fante. J'ai le sentiment qu'il y a un certain nombre de malentendus avec cet ouvrage.

Premier malentendu, son titre français, où la majuscule de " Stupide " très souvent disparaît, or, ce n'est pas du tout la même chose si stupide est un adjectif ou un nom propre. Second malentendu, l'idée même de ce titre sachant que le titre original est " West of Rome " et que ledit " West of Rome " contenait deux novellas (l'autre fut publiée en français sous le titre, " L'Orgie ").

Troisième malentendu, si Fante lui-même n'avait pas jugé utile de le publier de son vivant, sachant qu'il devait être rédigé une bonne vingtaine d'années avant sa mort, c'est peut-être qu'il avait ses raisons, qu'il ne le jugeait pas suffisamment al dente à son goût. (Je reviendrai là-dessus.)

Quatrième malentendu, la tonalité soi-disant " comique " de l'ouvrage. Alors, certes, John Fante manie l'humour et ne s'en prive même jamais, toutefois, si j'ai bien lu le livre (ce qui n'est pas certain, j'en conviens), c'est surtout la déprime et le désarroi que j'y perçois. J'ai le sentiment que quand le narrateur (si proche du véritable Fante qu'on peut presque les assimiler l'un à l'autre) aime mieux tâcher de présenter sa situation de façon comique pour ne pas être tenté d'en pleurer, tellement sa vie, sa personne, ses proches lui paraissent vains et lamentables.

Alors qu'en est-il ? le narrateur, Henry Molise, est un écrivain sur le déclin, scénariste de bas étage, qui continue à vivoter sur la côte ouest californienne dans le souvenir du faste qui fut le sien quelques années auparavant. Car notre homme, jadis jeune écrivain plein de verve, affiche désormais bien trop d'années au compteur de sa vie, tout comme sa vieille Porsche, qui tombe en panne et dont les traites ne sont plus payées avec exactitude. Sa verve s'est tarie, ses 55 ans lui pèsent sur les épaules, sa moitié sait très bien se passer de lui, tout comme ses quatre enfants, qu'il brûlerait de voir quitter le foyer familial.

Dans le fond, il ne rêve que de prendre un billet d'avion, aller simple pour Rome, terre de ses ancêtres italiens catholiques auprès desquels il aimerait bien se faire enterrer, tant la famille germanique et protestante de sa femme commence à l'irriter par tous les pores.

La vacuité de sa vie est telle qu'il caresse avec nostalgie le souvenir de son bull-terrier, chien dont le seul mérite avait été, de son vivant, de mettre la pâtée à tous les autres chiens des environs.

Alors imaginez le regain d'espoir, imaginez la jouvence, imaginez la revanche sur tous ces snobinards de Malibu, lorsqu'une grosse épave quadrupède, un chien tellement informe qu'on peine à le désigner tel, qu'on ne peut s'adonner qu'à des conjectures sur sa race probable (akita, se hasarde une fois l'auteur), lorsque ce gros chien donc, établit ses quartiers chez lui sans y être convié et s'avère être une terreur pour les autres chiens du secteur.

L'ennui, c'est que le chien en question ne comprend pas grand chose, et se révèle particulièrement libidineux. Tout y passe, les humains, les oies, tout vous dis-je, sauf à l'endroit des chiennes, vis-à-vis desquelles il se montre au contraire extraordinairement discret et fuyant.

Mais ne nous y trompons pas, si les péripéties du chien, qu'un des enfants Molise baptise " Stupide ", nous occupent un moment, et sont prétexte à quelques situations cocasses et plutôt drôles, le fond du propos n'est pas le chien, mais ce qu'il révèle du narrateur.

En effet, voici un homme qui a si peu de liens affectifs avec ses enfants qu'il n'a de cesse de les voir partir. Voici un homme qui a si peu de dialogue avec son épouse qu'il n'aurait rien contre le fait de la planter là si seulement il avait quelques dollars en poche. Voici un homme qui n'a plus, pour seule ambition professionnelle, que d'attendre qu'un hypothétique producteur de séries B veuille bien prendre la peine de le contacter.

Voici un homme qui, dès qu'il a un moment de libre, ne sait rien faire d'autre que d'aller traîner ses clubs sur les golfs des environs et qui juge comme un acte héroïque la victoire de son horrible clébard sur un quelconque concurrent appartenant à une personnalité en vue des environs.

Voilà à quoi se résume la vie du gaillard et si l'on considère l'ensemble du récit comme étant doux-amer, disons tragi-comique, eh bien je suis assez d'avis que le tragi l'emporte sur le comique.

Ce livre ne m'a pas procuré beaucoup de plaisir à la lecture. Bien sûr, John Fante sait écrire, sait rendre sa prose digeste, mais sur le fond, qu'est-ce que j'en garde ? (J'ai lu ce livre il y a seulement quelques semaines et je peine déjà à me le remémorer convenablement tant l'empreinte des personnages et des situations a été faible sur mes sens.) Donc, un ouvrage pas désagréable à lire mais finalement aussi vain d'après moi que la vie de son protagoniste principal, d'où, peut-être, une partie de l'explication au fait que John Fante n'ait pas souhaité le faire publier de son vivant. Bien entendu, n'hésitez pas à lire d'autres avis pour obtenir d'autres sons de cloche à son propos ou, mieux encore, lisez-le pour vous en faire votre propre opinion.
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