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Critique de Nastasia-B


Yvette est un recueil savoureux, solide, travaillé et très — trop — peu célébré de Guy de Maupassant. Aucune nouvelle n'y est peut-être exceptionnelle, mais le niveau d'ensemble est vraiment très bon et homogène. Il ne contient que huit nouvelles car la nouvelle titre est incomparablement plus longue qu'à l'habitude. Ma favorite, si je devais en sortir une du lot, serait sûrement celle intitulée le Retour.

1. La nouvelle titre, Yvette, reprend et enrichit la nouvelle Yveline Samoris que l'auteur n'avait pas fait figurer dans un recueil de son vivant et qui fut finalement reprise après sa mort dans le Père Milon et autres nouvelles. Elle nous dévoile le chemin fait d'ombres et de lumières d'un surprenant couple mère/fille.

Nouvelle copieuse de quatre chapitres, au style peaufiné, où l'on observe un habile glissement de la narration qui nous fait adopter au départ les vues du viveur Servigny, principal prétendant d'Yvette pour progressivement nous amener dans la tête de la jeune convoitée. Celle-ci, éclose dans le temple de la débauche et des dérives mondaines tenu par sa mère, et dont nous allons être témoins de l'édification, du passage du stade de la jeune fille insouciante au stade de la femme qui va devoir s'assumer. La réalité va donc brusquement lui sauter au visage, emportant du même coup pas mal de ses illusions et de ses convictions qu'elle pensait intangibles.

2. le Retour est un conte particulièrement bien soigné sur le plan de l'écriture. Un effort manifeste a été fait par son auteur pour cerner le ton juste, le plus neutre, le moins dans le pathos possible afin de nous servir aux petits oignons l'histoire émouvante des retrouvailles chez ces petites gens qu'il aimait tant, humbles pêcheurs de Normandie, pas latins pour deux sous, pas démonstratifs mais au coeur généreux et vaste comme l'océan des terre-neuvas.

À noter, le cafetier de la fin de l'histoire ne saurait être autre que Toine, héros magistral d'une autre nouvelle publiée deux ans plus tard. Chapeau pour le style, sans fioriture, millimétrique où chaque mot fait mouche.

3. L'Abandonné revisite un thème souvent exploité par Maupassant (voir Un Parricide dans le recueil Contes du Jour Et de la Nuit ou Duchoux dans La Main gauche) à savoir celui de l'enfant illégitime abandonné puis rencontré par ses parents bien des années plus tard, pour le meilleur ou pour le pire...

4. Les Idées du Colonel sont une sorte d'ode à l'étrange pouvoir de la femme, apte, selon le colonel en question, à revigorer et transfigurer n'importe quel homme (mais seulement s'il est français, histoire de faire un peu dans le chauvinisme bon marché en ces années post 1871 et du même coup séduire les lecteurs des journaux plutôt conservateurs dans lesquels paraissaient les nouvelles en première publication).

5. Promenade raconte l'édification subite d'un gratte-papier d'une soixantaine d'années qui, exceptionnellement, va déroger à son train-train réglé comme du papier à musique au geste près depuis quarante ans. Je vous laisse en découvrir le résultat...

6. Mohammed-Fripouille est un étonnant conte, dans la lignée de ceux qu'il a écrit après ses voyages en Algérie. Mais ici, ce conte revêt un caractère plus original. Il nous dresse le tableau d'une sorte d'« Inglourious Basterds », conduit par le fameux Mohammed-Fripouille, sorte de mercenaire de l'armée française (qu'on appellerait de nos jour plutôt une légion étrangère), allant faire une expédition punitive auprès d'un groupe d'autochtones en bordure du désert suite à l'assassinat d'un touriste anglais.

7. le Garde est en quelque sorte une fusion entre deux caractères déjà explorés par l'auteur : le vilain garnement de la nouvelle Coco dans Contes du Jour Et de la Nuit, d'une part, et de la droiture morale du Père Milon dans le recueil éponyme, d'autre part. L'oncle, garde-chasse zélé, ancien gendarme, se fait une fierté de protéger des braconniers les terres de son employeur, l'autre, le neveu fourbe, en profite pour se faire quelques francs en allant poser des collets quand son oncle revient harassé de ses rondes. Tous les ingrédients pour une fin détonante !

8. Enfin Berthe nous plonge dans le destin sordide d'une fille de bonne famille née handicapée mentale mais belle comme une déesse... je vous laisse imaginer ce qu'un homme peut faire d'une telle aubaine !

Donc, tout bien pesé, un excellent recueil, mais ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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