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Critique de amuri59



J'ai vraiment découvert Maud avec Hématome, elle m'a laissé des bleus à l'âme en me prenant dans les griffes de cette noirceur sur et sous cutanée. A ce titre, j'avais décidé de préserver sa prose tel un grand cru : l'ouvrir avec respect pour une occasion particulière. A croire que ce moment est arrivé pour me permettre de sonder cet opus à nul autre pareil.

Certains seront désorientés par le qualificatif de la couverture : thriller, car l'intrigue n'est dans un premier temps pas mise en avant et le rythme est très lent. L'auteure s'attache d'abord à son personnage principal : Iris, enfin plutôt i-Iris. En effet, cette jeune femme est b-bègue, pas banal dans un roman. Mais je vous rassure Maud n'en abuse pas outre mesure d'autant que les dialogues ne constituent pas l'essentiel du récit. Ici le psychologique prime mais pas que.
Maud Mayeras propose une expérience littéraire. D'habitude, le lecteur utilise ses yeux et son cerveau pour aborder un bouquin. Céans l'auteure nous invite à aller plus loin, à recourir à l'intégralité de nos sens. Ressentir le grain de peau tel le monstre, planant au-dessus de cette oeuvre, après avoir assommé ses victimes. Ecouter les frémissements de la campagne environnante ou le ronronnement de la superduke de l'héroïne et surtout les silences à l'instar des titres de chapitres qui constituent une partie de l'intrigue. Goûter à cette canicule qui assèche la ville, rend les corps moites et les esprits proches de l'implosion. Humer l'odeur de la vase d'où certains corps émergent à s'en boucher le nez tant le fumet est insupportable quand ceux-ci sont en décomposition, sillonner dans le parfum d'Iris pour aller à leur découverte.
Mais surtout, il faut voir grâce aux yeux d'Iris et plus particulièrement par le prisme de l'objectif de son appareil photo. Son métier de photographe de l'identité judiciaire l'entraîne à un regard singulier. Un cadrage professionnel. Iris n'est plus alors la messagère des dieux mais un témoin pour la postérité au travers de ses clichés.

Maud c'est surtout, en terme d'écriture, un éléphant au milieu d'un magasin de porcelaine (de Limoges évidemment). Elle vous chope par la noirceur de ses écrits mais aussi par l'alternance de ses phrases tantôt « simples » anecdotiques, tantôt chocs, elle vous retourne le cerveau et vous n'avez plus qu'à ramasser les morceaux. Elle « n'aime pas », comme nombre de début de premiers paragraphes, vous laisser tranquille. Vous touchez le fond de cette mélasse putride et bien creusez encore pour découvrir l'innommable. Vous aurez tout juste le droit à un moment de répit accompagnés de Lauren et Fred dans un lavoir.
Elle joue aussi à utiliser toute l'ampleur de certains mots. Amour en fait partie, l'amour c'est beau, c'est tendre, ça se partage, ça se donne mais ça emprisonne parfois, on peut étouffer d'être trop aimé, trop protégé. L'amour, amore, à mort… L'être aimant peut alors prendre la forme d'un monstre bicéphale, voire androgyne.

Maud Mayeras offre dans ce livre une plongée dans les entrailles humaines, elle dissèque les mécanismes de l'âme, surtout quand ceux-ci sont chauffés au rouge par les feux de l'enfer du mal, de l'esprit qui saute un maillon pour se recréer une réalité à jamais disparue. Allez maintenant souriez, mais jaune, clic clac, hop c'est dans la boîte, celle de Pandore qui doit rester à jamais sceller. Maintenant, un grand bol d'air après cette lecture suffocante mais ô combien jouissive.
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